HaydĂ©e Chikli Tamzali aurait eu cent ans dans quelques semaines… NĂ©e le 23 aoĂ»t 1906, HaydĂ©e Ă©tait la fille du pionnier de nos cinĂ©astes, le fameux Albert Sammama Chikli.
Interprète au cinéma, auteure de chroniques dans la presse tunisienne et de plusieurs ouvrages, Haydée est décédée le 20 août 1998.
« Zohra », la franco-bédouine
Son nom reste d’abord liĂ© Ă l’un des tout premiers films tunisiens, en l’occurrence « Zohra » de Albert Sammama Chikli dont elle campa le rĂ´le principal.
C’Ă©tait en 1922 et le film sera projetĂ© avec succès Ă Tunis le 21 dĂ©cembre 1922. L’œuvre raconte les aventures d’une jeune française naufragĂ©e et recueillie par un pĂŞcheur tunisien. Devenue « bĂ©douine » comme sa famille d’adoption, la jeune fille fut nommĂ©e Zohra.
Le film dont le scĂ©nario est très simple montre Zohra dans sa nouvelle vie et, Ă la fin de l’histoire, un prince charmant viendra la « sauver » et la ramener parmi les siens.
La troublante Ain El Ghezal, « Fille de Carthage »
Peu après cette première expĂ©rience, Albert Sammama Chikli tourna « Ain el Ghezal », considĂ©rĂ© de nos jours comme le premier long-mĂ©trage de l’histoire du cinĂ©ma tunisien.
C’est HaydĂ©e qui Ă©crivit le scĂ©nario de « Ain el Ghezal » dont le tournage eut lieu en 1923 et la première projection le 19 mai 1924.
Encore une fois, HaydĂ©e jouait le rĂ´le principal. Elle interprĂ©tait le rĂ´le de la fille d’un caid secrètement amoureuse du maitre d’Ă©cole alors qu’un riche fellah la convoitait et finira par l’Ă©pouser fastueusement.
Premiers comédiens tunisiens
La jeune Ă©pouse s’enfuira du palais de son Ă©poux pour retrouver son soupirant. Mais ils seront vite retrouvĂ©s. Devant la mort par balles de son bien aimĂ©, elle se donnera la mort en se poignardant.
« Ain el Ghezal » est aussi intitulĂ© « La Fille de Carthage » et ce film a permis aux premiers acteurs du cinĂ©ma tunisien de se distinguer Ă l’instar de Ahmed Dziri et Belgacem Ben Taieb.
Filmé au palais du bey de Tunis et dans des décors naturels, le film connut le succès et demeure, avec « Zohra », notre première référence cinématographique.
Et comme souligné, Haydée était impliquée dans ces deux films, ancêtres du cinéma tunisien.
Pour la petite histoire, le film a Ă©tĂ© projetĂ© en première au cinĂ©ma Nunez, rue de Carthage. C’est sur l’emplacement de ce cinĂ©ma que sera construite la future librairie de la sociĂ©tĂ© tunisienne de Diffusion (STD).
« L’Arabe » de Rex Ingram
Entre « Zohra » et « Ain el Ghezal », HaydĂ©e a aussi connu le grand frisson du cinĂ©ma international. La Tunisie de l’Ă©poque Ă©tait dĂ©jĂ un plateau de choix pour les Ĺ“uvres de style orientalisant et autres films d’aventures exotiques.
Dès 1919, Luitz Morat tourna « Les cinq gentlemen maudits » qui, soit dit en passant, est considĂ©rĂ© comme le premier film de long mĂ©trage Ă avoir Ă©tĂ© tournĂ© en Afrique. Plusieurs autres Ĺ“uvres furent tournĂ©es Ă cette Ă©poque, notamment « L’Arabe » de Rex Ingram, dans lequel HaydĂ©e joua un petit rĂ´le.
D’ailleurs, le casting de ce film comprenait une autre figurante tunisienne nommĂ©e Rabha Bent Salah et dont notre histoire du cinĂ©ma n’a pas gardĂ© la trace.
Ramon Navaro en Tunisie
« L’Arabe » Ă©tait interprètĂ© par Ramon Navaro, une star de l’Ă©poque. Produit par la MĂ©tro Goldwin Pictures, tournĂ© entre la Tunisie et l’AlgĂ©rie, ce film est sorti le 13 juillet 1924 et s’inspire d’une pièce de théâtre Ă©crite en 1911 par Edgar Selwin.
Dans ce film, Jamil, une recrue des forces bédouines dans la guerre syro-turque, déserte et se réfugie dans un orphelinat exploité par deux Américains. Après diverses péripéties, on reconnaitra en Jamil un important chef de tribu et il triomphera alors avec les siens.
Pour l’anecdote, le film connaitra un remake en 1933, toujours avec Ramon Navaro.
De Tunis Ă Hollywood
Après ce film, la chronique veut que HaydĂ©e ait eu des propositions pour aller tourner Ă Hollywood. Toutefois, il n’en sera rien Ă cause du refus familial.
Ainsi, depuis 1924, HaydĂ©e ne rejouera plus au cinĂ©ma… Ses premiers rĂ´les n’en restent pas moins des balises importantes dans notre histoire du cinĂ©ma.
Le club culturel Tahar Haddad rendra hommage vendredi 17 juin à Haydée Chikli Tamzali, un siècle après sa naissance.
H.B.
