Difficile de rester de bois devant les menaçantes dérives du faucon Ellouze. Voici donc un fondamentaliste agressif qui compte parmi les députés de la nation et les ténors du parti majoritaire et se laisse aller à des propos qui tombent sous le coup de la loi, de la morale et de la raison.
Tragiques errements suivis, sous la probable injonction de la hiérarchie du parti, d’excuses à demi-mots qui n’ôtent en rien à ses anathèmes leur extrême gravité.
Ces vitupérations haineuses d’Ellouze ont été immédiatement dénoncées par Ennahdha et l’ensemble des courants de l’ANC. Aujourd’hui, nous verrons certainement une avalanche de communiqués pour mettre à l’index les incitations criminelles de ce député nahdhaoui et couvrir d’opprobre leur auteur.
Sous d’autres cieux, pareilles déclarations auraient immédiatement valu à Ellouze une suspension voire une mise en examen. Mais dans notre Tunisie rongée par le délitement de l’Etat et par le cancer intégriste, d’hypocrites excuses semblent avoir suffi. Du moins pour le moment…
LES APOLOGUES DE LA VIOLENCE
Quand on songe à la suite donnée aux propos haineux et appelant à la violence de Sahbi Attig ou Larbi Gasmi, pour ne citer qu’eux, on peut aisément imaginer que rien de sérieux ne pourra arriver à un Ellouze, digne émule des fondamentalistes les plus obtus. D’ailleurs, malgré les déclarations émues de la députée Zoghlami (Ennahdha) qui a qualifié les propos du mentor intégriste de « catastrophe », le parti islamiste ne semble avoir pris aucune mesure contre le cheikh fulminant, allié à l’aile dure nahdhaoui et aux radicaux de tous poils.
Bien sûr, tout cela pose le caractère républicain ou pas d’Ennahdha. Car au sein de ce parti, les pendules sont aussi bien à l’heure de Kaboul, Alep, Fallouja, Ryadh, Doha ou Washington. Et ce qu’exprimait Ellouze à l’encontre du député Rahoui n’est que la déclaration à voix haute de ce qui est tu dans d’autres cercles.
Avons-nous tort de considérer Ennahdha comme un parti conservateur et républicain ? Les éléments qui se disent modérés (par rapport à quoi d’ailleurs?) sont-ils les otages des extrémistes ? Ennahdha tentera-t-elle à court terme de remettre en question l’esprit de la République ?
Depuis ces propos intolérables qui disqualifient autant le politicien que l’homme, une blessure s’est rouverte : comment cela s’est-il passé pour les meurtres de Belaid et Brahmi ? Qui a donné l’ordre d’exécuter les deux leaders ? Ennahdha et certains de ses faucons ont-ils quelque chose à se reprocher comme le soutient la contre-enquête des militants de la société civile ?
Terrible dérapage alors que nous ne savons pas encore si la rédaction de la constitution est bien dans sa dernière ligne droite ou si elle négocie un virage dangereux. D’autant plus terrible que ces propos qui tombent sous le coup de la loi ont été proférés de manière banale, comme si de rien n’était, comme si les bains de sang et les appels au meurtre faisaient partie de notre quotidien.
LA RÉSISTIBLE DÉFERLANTE WAHABITE
Le député Ellouze mérite d’être rappelé à l’ordre, vigoureusement et sans équivoque. Quant au député Rahoui qui, désormais vit sous la menace d’une exécution sommaire, il a eu raison de se réclamer de l’Islam de nos ancêtres qui n’a rien à voir avec l’intolérance d’Ellouze et de ses acolytes.
Oui, nous sommes tous pour un Islam pétri des valeurs de la foi et de l’exemplarité du Prophète. Oui, nous sommes pour un Islam moderne, accueillant et ouvert qui laisse leur place aux minorités et aux libres penseurs. Oui, nous sommes pour un Islam de partage, tel que nous l’avons toujours connu avant que nous atteigne cette déferlante wahabite, fanatisée à coups de pétrodollars et de fatwas assassines.
Notre Islam n’a rien à voir avec la haine ni avec les théocraties qui ne sont que des dictatures sous couvert de la religion. Sont-ce des Etats esclavagistes, sexistes et brutaux qui pourraient nous désigner le sens de la modernité ? Les faucons fondamentalistes d’Ennahdha sont-ils à ce point inféodés à l’obscurantisme ?
Il est temps pour ce parti de réaliser son aggiornamento et se fondre dans le moule consensuel de la deuxième République naissante. Sinon,Ellouze et consorts auront toujours droit de cité et continueront à être couverts par… un parti de gouvernement.
Pour l’Islam, nous sommes. Résolument contre la théocratie nous sommes. Contre la haine, le fanatisme, l’intégrisme et l’intolérance nous sommes. Et contre toute résurgence dictatoriale nous sommes.
HONTE A VOUS MONSIEUR ELLOUZE!
Car, en dernière analyse, les mots de la haine et les appels au meurtre sous-jacents prononcés par Ellouze démontrent bien la nature inquiétante de l’utilisation de la religion à des fins politiciennes. Ceci, le régime destourien l’avait bien compris en traçant des lignes rouges à ce niveau. C’est en quoi les propos d’Ellouze sont contre-révolutionnaires et profondément réactionnaires : sans le vouloir, ils donnent raison à Ben Ali et démontrent que si nous avons vécu sous le joug d’une dictature, c’était pour que les illuminés que nous subissons aujourd’hui n’aient pas droit à la parole.
Plus que jamais, les ennemis de la démocratie ne devraient pas se servir de la démocratie. Plus que jamais, nous devons être vigilants face à ces dérives haineuses et fascisantes, face à cette culture de la violence qui n’est pas la notre.
Honte à vous monsieur Ellouze ! Honte à vous de prêcher le mal au nom de notre religion commune ! Honte à vous de salir le sublime pour un pouvoir temporel sans issue ! Honte à vous, car au final, c’est bien le député Rahoui que vous désignez comme bouc émissaire de votre folie et de vos errements qui porte les valeurs que vous prétendez défendre !
