À la grande surprise de l’assistance et des journalistes qui étaient là pour couvrir le procès, Ali Seriati, l’ancien chef de la sécurité du président déchu a créé l’événement en avançant, hier lors de sa comparution devant la juridiction militaire, une version différente de toutes les précédentes.
Dans sa déclaration au tribunal, il a révélé que pendant la journée du 14 janvier, réalisant l’irréversibilité du cours des événements, il avait envisagé d’arrêter Ben Ali, mais aurait renoncé in extremis, car il appréhendait l’intervention de Mouamar Kadhafi qui avait en tête de sauver le régime en cas de besoin, rapporte de son côté le quotidien Assabah.
Il aurait donc préféré le faire fuir à l’étranger pour permettre le transfert du pouvoir au premier ministre, conformément à l’article 56 de la constitution.
Pour parvenir à ce résultat, il a amplifié le danger en faisant croire au président déchu qu’il était menacé par un coup d’État miliaire et qu’il ne pouvait plus garantir sa sécurité. Il a ajouté que suite à la fuite de Ben Ali et de sa petite famille, il a donné des instructions à Sami Sik Salem afin de convoquer Mohamed Ghannouchi et lui suggérer de prendre l’intérim du président en fuite sur la base de l’article 56 de la constitution.
Il a indiqué que Ridha Grira, ancien ministre de la Défense nationale, et certains officiers s’apprêtaient à s’emparer du pouvoir n’eut été la fuite de Ben Ali. Puis il a terminé sa « confession » en ajoutant qu’il n’avait toujours pas compris les raisons de son arrestation.
Le président du tribunal a essayé de l’empêcher de poursuivre ses aveux, mais son avocat, Maître Zoubeir Saidi s’y est opposé considérant qu’ils constituaient une révélation historique importante.
Des révélations jugées par certains plutôt comme un coup d’éclat médiatique par lequel l’ancien chef de la sécurité présidentielle cherche à s’affranchir des critiques qui lui sont adressées, faire oublier son passage contesté à la présidence de la république et s’attirer la sympathie des Tunisiens en laissant entendre qu’il a débarrassé le pays du dictateur et fermé la porte à un régime militaire.
Depuis son arrestation, Ali Seriati n’a cessé de répéter qu’il allait tout dévoiler et qu’il détient des secrets dont la divulgation ferait tout chambouler. Si c’est de cette révélation dont il s’agit, le récit est loin d’être bouleversant.
Son fils qui a accordé plusieurs interviews au lendemain de son arrestation ne cessait de crier haut et fort que son père n’était qu’un officier qui exécute les ordres et n’avait rien à voir avec la politique. Sa mission était limitée à assurer la sécurité du président, de sa famille et des personnalités politiques de premier ordre indépendamment des noms et des personnes et il ne pouvait rien se reprocher par rapport aux événements qui se sont produits. En se tenant à ces dires, l’on peut conclure qu’il n’a eu aucun rôle durant cette journée du 14 janvier 2011.
Quant aux prétendues instructions données à Sami Sek Salem, ce dernier a nié dans toutes ses déclarations avoir agi sous les ordres d’une hiérarchie militaire ou politique. L’initiative de convoquer au palais l’ancien Premier ministre et les présidents des deux chambres parlementaires a été prise de son propre chef. Quant au recours à l’article 56 de la constitution, la version initiale fait état d’un consensus entre ces trois derniers suite au refus de Foued Mebzaa d’assurer la relève du président en fuite. Sa mise en œuvre n’a duré qu’une journée puisque le tir a été rectifié le 15 janvier 2011 en mettant en application l’article 57 qui est le seul à s’appliquer dans ce cas de figure.