Dans son allocution prononcée à l’ouverture de la conférence de presse tenue hier par l’Union nationale des syndicats des forces de sûreté tunisiennes, Monstassar Materi, le secrétaire général du syndicat, a exposé les faits qui se sont produits entre le 7 et le 15 janvier 2011.
Le vendredi 7 janvier : La situation sécuritaire à Thala était si grave que les autorités ont du recourir à l’armée pour rétablir la sécurité dans le gouvernorat. Seulement, Rafik Haj Kacem, qui était ministre de l’Intérieur, intervint pour que l’armée se retire. Son argument était qu’il voulait prouver au Président déchu que ses forces étaient capables de maîtriser la situation sans le concours de l’armée.
Le 8 janvier : La situation dans le gouvernorat s’aggrava davantage et la répression exercée par les forces de l’ordre fit beaucoup de victimes. Le secrétaire général du syndicat a qualifié ce bilan de « boucherie ».
Le 9 janvier : Vue l’extension du mouvement insurrectionnel dans d’autres régions voisines, le président déchu mit en place une cellule de sécurité comprenant, des cadres et des officiers de la police et de l’armée, l’ancien ministre de l’Intérieur (Rafik Haj Kacem), l’ancien ministre de la défense (Ridha Grira) et Mohamed Ghariani, le secrétaire général du RCD. La présence de ce dernier dans la cellule n’est pas surprenante compte tenu de la position du parti unique sous le règne de la dictature et de ses prédispositions à concourir à la répression en déployant des miliciens.
Depuis la constitution de la cellule, Ridha Grira afficha une méfiance à l’égard des responsables de la sécurité, en prenant unilatéralement des décisions sans se concerter avec eux. Il pensait qu’un coup d’état était en gestation et qu’il fallait être prudent et discret pour empêcher son aboutissement et sauver ainsi la dictature.
C’est à ce titre qu’au cours d’une première réunion de coordination, Ridha Grira demanda aux cadres de la sûreté nationale de la quitter au motif qu’il devait fournir à ses collaborateurs des instructions confidentielles.
Le 10 janvier : Ridha Grira envisagea de faire porter aux militaires la tenue officielle de la brigade anti-émeute pour imputer aux seuls cadres et agents de cette brigade la responsabilité de la répression et des bévues qui pourraient être commises.
Le 13 janvier : Des instructions furent données aux forces de police de remettre leurs armes aux militaires. Ces instructions étaient justifiées par le souci d’éviter au pays un bain de sang alors qu’en réalité, Ridha Grira suspectait des cadres et des responsables de sécurité de préparer un coup d’état. Plusieurs membres de la police refusèrent d’exécuter ces instructions et préférèrent garder leur arme de service et ne pas exécuter un ordre venant d’une hiérarchie non habilitée.
Le 14 janvier : la situation commençait à s’enflammer dans la capitale, Ali Sériati demanda alors à Ridha Grira d’envoyer un hélicoptère pour évaluer la situation. D’habitude, l’équipage devait comprendre un pilote, un mécanicien et un agent de sécurité présidentiel. Mais sur instructions de Ridha Grira, un tireur d’élite accompagna l’équipage dans cette mission avec pour instruction de tirer sur la foule en cas de débordement.
Lorsqu’il apprit, vers 16 h 15, que BEN ALI se dirigeait vers la base militaire d’El Aouina pour quitter le territoire, il demanda à ce qu’il fasse vite.
Pendant le voyage du président déchu, il eut un entretien téléphonique avec ce dernier. Le contenu de cet appel n’a pu être révélé mais il ne pouvait s’agir que d’un échange sur la situation et les moyens d’empêcher le renversement du régime.
Dans une interview sur Mosaïque FM, Ridha Grira a prétendu que la communication n’avait duré que quelques minutes et que la voix de Benali était faible comme s’il était drogué, alors que d’après l’opérateur téléphonique concerné, cet entretien avait duré près de 12 minutes.
Juste après cet entretien, Ridha Grira contacta Mohamed Ghannouchi, ex-premier ministre, pour le convaincre de ne pas se rendre au palais de Carthage au motif qu’il pouvait être assassiné.
En vain, puisque Ghannouchi accepta d’assurer l’intérim du président déchu sur la base d’une prétendue délégation de pouvoir. Avec le réajustement du scénario de la succession, en chargeant Foued Mbazâa de prendre la relève en tant que président provisoire, l’espoir du retour de Benali à la tête de l’Etat se volatilisa.
Le 15 janvier : La dernière cartouche de Ridha Grira a donc été d’amplifier la situation sécuritaire pour semer la terreur et la panique dans la population et préparer un retour triomphal du dictateur. Pour ce faire, il a chargé Samir Laabidi, ex-ministre de l’économie, de contacter les médias et de leur demander de diffuser des informations sur l’existence d’un réseau armé et de miliciens, et de publier des communiqués faisant état de confrontations entre les forces de sécurité et les militaires.
À côté d’Hannibal TV, qui a excellé dans la mise en scène, de Nessma TV, qui n’a pas fait moins et de la chaîne nationale, qui a continué à exécuter les ordres, El Jazeera TV a annoncé une confrontation armée entre des agents de la sécurité présidentielle et des soldats, et la chaîne El Arabya a reproduit le témoignage d’une personne qui a affirmé l’existence de combats armés dans certains quartiers de Tunis. Ce témoin s’est révélé être un ex-officier de police dénommé Salem Bel Haj Mansour qui a repris ses fonctions au ministère de l’Intérieur avec la nomination de Farhat Rajhi à la tête de ce ministère.
Le conférencier a terminé son allocution en précisant que Ridha Grira était, en très grande partie, responsable des tueries qui se sont produites pendant la révolution, ayant été derrière les informations terrifiantes propagées avec la complicité de certains medias. Il a ajouté que le nombre des martyrs après le 14 janvier était 5 fois plus élevé qu’avant cette date.