Avec un taux de chĂ´mage très Ă©levĂ©, personne n’aurait pu imaginer que les sans-emplois refuseraient une offre d’emploi dans un projet Ă fort potentiel d’employabilitĂ©, non pas Ă cause de la prĂ©caritĂ© des postes Ă pourvoir, ni de la pĂ©nibilitĂ© du travail qui leur est proposĂ©, mais en raison d’un Ă©tat d’esprit qui n’a pas changĂ© depuis l’ère coloniale. Les vieux Tunisiens se souviennent encore de cette mentalitĂ© qui a Ă©tĂ© derrière la montĂ©e de l’exode rural, au dĂ©triment des facultĂ©s de dĂ©veloppement des rĂ©gions de l’intĂ©rieur qui regorgent de potentialitĂ©s. La dĂ©marche consistait Ă pousser les paysans Ă quitter leur village et Ă abandonner le travail de la terre pour s’installer dans les grandes villes lĂ oĂą ils pouvaient ĂŞtre embauchĂ©s dans l’administration, en tant qu’huissier ou homme de peine pour les plus chanceux et travailler dans le bâtiment pour les moins chanceux. MalgrĂ© l’évolution contextuelle et l’amĂ©lioration des conditions de travail de la terre, les esprits n’ont pas tellement changĂ© puisque jusqu’à aujourd’hui, les sans-emplois continuent encore Ă bouder le travail de la terre en dĂ©pit de l’indigence et de la misère dans laquelle ils se trouvent.
La mauvaise expĂ©rience illustrant cet Ă©tat d’esprit persistant vient d’être vĂ©cue par un jeune investisseur qui a promu un projet d’avenir et a rĂ©ussi, en un temps record, Ă l’imposer sur les marchĂ©s extĂ©rieurs, mais n’a pas trouvĂ© sur le marchĂ© local la main-d’Ĺ“uvre nĂ©cessaire pour l’exploiter malgrĂ© l’offre allĂ©chante qu’il leur propose.
Sahbi Brahem, la trentaine, a découvert lors de son séjour en Égypte où il s’est expatrié pendant quelque temps pour travailler dans le domaine du tourisme, les vertus d’une plante tropicale appelée la « loofah ». Très sollicitée dans la fabrication des détergents et des produits cosmétiques à base de plantes naturelles, elle est achetée en très grande quantité par les industriels qui opèrent dans ces secteurs. De retour en Tunisie, il a effectué des recherches sur la qualité du sol et il lui a été révélé que la plante pouvait être cultivée dans la plupart des régions de l’intérieur.
Le 8 décembre 2011, il a créé des unités de plantation sur une superficie globale de plus de 300 ha, a acquis des équipements modernes pour l’amélioration de la rentabilité et de la qualité et a engagé des ingénieurs agronomes.
En même temps, cinq usines de fabrication de divers produits de détergent ont vu le jour, des contrats pour des montants importants avec des acheteurs étrangers ont été conclus. Tout était favorable au bon démarrage du projet, sauf la main d’œuvre. En effet, en dépit d’une offre alléchante représentant le double du SMAG, personne parmi les chômeurs n’a accepté de travailler pour son compte.
Pour satisfaire à son besoin, il a dû faire recours à des Ivoiriens installés en Tunisie pour les employer dans le projet et certains parlent d’une offre sur le marché maghrébin et africain pour dénicher la population requise. Si cette tentative ne réussit pas, tout le projet tombera à l’eau et des pertes financières énormes s’ensuivront, tout d’abord pour l’investisseur qui sera mis en faillite, les bailleurs de fonds qui ne se feront pas rembourser et les entreprises qui comptaient s’approvisionner à moindre coût sur le marché local.
En attendant, le promoteur de ce projet, prédestiné à être mort-né, est livré à son propre sort alors que les autorités pourraient intervenir de différentes façons pour le sauver et limiter les dégâts.
