Dans une interview accordée au quotidien belge « Le Soir », Rached Ghannouchi distille quelques messages à l’endroit de la société tunisienne et des clins d’œil aux salafistes surtout après le semblant de rupture entre les deux parties après les « incidents » de l’Ambassade des États-Unis à Tunis où le décès de deux jeunes grévistes de la faim.
A l’endroit de la société tunisienne, il appelle l’État à interdire la consommation d’alcool. Il ne s’agirait que d’un conseil qu’il susurre à l’oreille des responsables à la tête de l’État parce que l’alcool serait mauvais pour la santé (ce n’est pas ce que disent tous les médecins du monde !) et « conseiller » les commerçants de ne pas en vendre parce que leur commerce est illicite aux yeux de la religion. Et sur ce plan, il nous précise sa pensée en recourant du saint prophète qui dit « celui d’entre vous qui voit un mal qui se pratique, qu’il le change par sa main. S’il est incapable, avec sa langue, qu’il déteste cela par son cœur ».
Si on lit bien le Hadith, on se rend compte que la méthode « prêchée » par Rached Ghannouchi n’est rien d’autre que l’usage de la violence à l’encontre des fautifs, ce que rejette bien sûr le leader d’Ennahdha qui souligne qu’il voulait dire que cette violence ne devait s’exercer que par l’État qui détient le monopole de la violence.
Il est clair à ce propos, que les Islamistes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour atteindre cet objectif, entre autres, et tout autre aspect sociétal contraire à leurs convictions. Tout dépendra en réalité du rapport de force au sein de la société.
En fait, on se rend compte, en lisant ce genre de propos, que l’essentiel aujourd’hui en Tunisie post-révolutionnaire est relatif aux aspects moraux et comportementaux, autrement dit « islamiser » la société conformément à la thèse chère à Rached Ghannouchi, celle de la lutte par le bas, la lutte sociale qui devrait déboucher sur une société « pacifiée et islamisée » !
En revanche, les problèmes à caractère économique ou social, le modèle de développement choisi, la réorganisation de l’État en lui assurant la neutralité, la compétence et les procédures efficaces ne constituent pas une préoccupation première.
Et concernant l’alcool, Ghannouchi ignore-t-il que près de cinq cent mille familles dépendent de cette activité économique. Des paysans, des industriels, des hôteliers, des restaurateurs et bien d’autres intervenants vivent de ce commerce ?
Ne sait-il pas que l’État qui interdirait la consommation d’alcool empiéterait sur la liberté individuelle des citoyens, celle qu’il prétend défendre surtout lorsqu’il évoque des comportements émanant de ses « fidèles » ou de ses plus proches alliés ?
Le problème de la Tunisie n’est pas moral, mais il est économique et social. Quant à la morale, laissez le citoyen libre de se comporter comme il l’entend et vivre comme il le souhaite…