Le parti Ennahdha l’un des initiateurs de la loi d’immunisation de la révolution qui sera discutée aujourd’hui à l’Assemblée Constituante semble être l’un des principaux perdants de cette loi que celle-ci passe ou non.
La principale raison de l’embarras d’Ennahdha est le mauvais timing et le retard enregistré dans l’examen de cette loi. En effet, si elle était passée en novembre ou décembre 2011, elle aurait pu présenter ses auteurs comme des héros qui ont libéré la nation du monstre de l’ancien régime.
Cependant, deux ans après, deux arguments plaident contre cette loi. D’une part, des figures visées, comme Béji Caïd Essebsi, se présentent aujourd’hui comme des personnalités incontournables de l’opposition et jouissent d’une grande popularité. Nidaa Tounes sort dans les sondages comme étant le chef d’un des deux plus grands pôles politiques du pays. D’autre part, Ennahdha a déjà travaillé avec des figures de l’ancien régime comme Habib Essid, Adelkarim Zbidi, Chedly Ayari et Amor Nsaibi.
Si la loi d’immunisation de la révolution ne passe pas, Ennahdha risque de perdre ce qui reste de ses alliés, à savoir le Congrès Pour la République et le mouvement Wafa. Ces deux partis ont souvent critiqué la lassitude d’Ennahdha sur ce point. Ennahdha serait également embarrassé devant ses bases et devant les ligues de protection de la révolution. En plus, Il s’agira d’une victoire symbolique de Béji Caïd Essebsi devant Rached Ghannouchi. Le leader de Nidaa Tounes a souvent défié Ennahdha sur cette loi qui ne passera pas selon lui.
L’adoption de cette loi embarrassera Ennahdha à l’échelle internationale. Human Right Watch a déjà critiqué la copie actuelle et a appelé l’Assemblée Constituante à la réviser. La montée en puissance de Nidaa Tounes, la candidature de Béji Caïd Essebsi à la présidence et sa position en tête de tous les sondages pour Carthage lui donnent ainsi un statut de victime de cette loi et accentuera sa popularité.
Son parti, Nidaa Tounes, dispose d’assez de compétences et figures politiques pour prendre le relais. Après tout, Essebsi, dont l’avenir politique est derrière, ne représente qu’une figure symbolique de rassemblement. Sa participation à une échéance électorale n’est pas encore sûre.
La loi de l’immunisation de la révolution barrera également la route à tout autre front destourien qui pourrait rivaliser avec Nidaa Tounes et contribuer à une opposition plus compacte. Nidaa Tounes se vera également libéré de l’étiquette RCD car les Rcdistes auront été éliminés par cette loi.
Tout laisse à croire maintenant qu’on se dirige vers une loi d’immunisation de la révolution « light » qui visera quelques centaines de personnes dont la majorité sont en prison ou ont abandonné la politique pour sauver le visage d’Ennahdha.