Hier mardi, de manière fort inhabituelle, une descente de police a eu lieu dans une mosquée de la cité El Ghazala, aux environs de Tunis. Alertées par des informateurs, les forces sécuritaires avaient eu vent de mouvements suspects autour de cette mosquée.
L’opération s’est soldée par la saisie d’un scooter mais ni les armes ni les suspects signalés n’ont été trouvés. Pour relative qu’elle soit, cette opération souligne bien le nouveau degré de mobilisation des forces de l’ordre et aussi le fait que certaines mosquées ne demeureront pas les sanctuaires pro-jihadistes qu’elles sont devenues. Soulignons que, selon des chiffres officieux, 267 mosquées échappent actuellement au contrôle de l’Etat.
DÉLOGER LES TERRORISTES DE LEURS SANCTUAIRES
Cette opération coup de poing dans une mosquée, réputée fréquentée par des radicaux, intervient dans un contexte marqué par des appels à un changement de stratégie dans la lutte contre le terrorisme.
Le chef du gouvernement, Mehdi Jomaa, a ainsi déclaré hier qu’il fallait désormais envisager la lutte contre le terrorisme dans la durée et dans un contexte régional troublé. Quant au ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, il a affirmé que dorénavant, il ne fallait plus demeurer dans une position attentiste par rapport au terrorisme. Au contraire, selon le ministre, il faudrait aller déloger les terroristes de leurs sanctuaires montagneux et les éliminer.
Cette prise de conscience des urgences et ce besoin de réviser la stratégie actuelle interviennent sur fond de nombreux appels émanant d’organisations nationales et d’experts qui demandent des pouvoirs publics qu’ils définissent une doctrine alternative en matière de lutte contre le terrorisme.
L’ÉTRANGE MUTISME DE MARZOUKI
Par exemple, la puissante centrale syndicale UGTT demande que « la politique sécuritaire soit revue » de fond en comble. Pour sa part, le quotidien La Presse plaide pour une « stratégie d’anticipation » en lieu et place de celle qui se contente de « la réaction aux opérations terroristes ».
Plusieurs experts plaident pour leur part en faveur d’un renforcement des capacités en matière de renseignement. Certains vont jusqu’à défendre la création d’une centrale de lutte contre le terrorisme afin de mieux coordonner l’action des forces de l’ordre dans leurs différentes composantes. Tous relèvent par ailleurs le cruel manque d’équipement qui prévaut à l’heure actuelle et saluent l’abnégation de la famille sécuritaire. Soulignons enfin les nombreuses prises de position des partis politiques avec un bémol : l’étrange mutisme de la présidence de la République.
Il faut dire que les pouvoirs publics ont fait preuve d’une réaction remarquable aux récents événements : convocation d’un conseil national de sécurité, discours clairs et responsables, présence aux funérailles des martyrs bien entendu. De plus, les lignes bougent en ce moment même, avec des promesses de résultats alors que les terroristes de Jendouba continuent leur cavale.
EN FINIR AVEC LA PARENTHÈSE CONNIVENTE
En soi, cette réaction est positive. Elle rompt avec l’immobilisme de la Troika et sort le pays de cette parenthèse connivente de certains faucons dans les allées du pouvoir avec les terroristes. La dénonciation est claire, les intentions le sont aussi, il ne reste plus qu’à obtenir des résultats palpables et engager une lutte sur le long terme contre le fléau barbare qui vient de frapper une nouvelle fois la Tunisie.
Hier, un haut responsable britannique offrait l’aide et l’expertise de son pays pour soutenir la Tunisie dans cette guerre sans nom. Aujourd’hui, le secrétaire d’Etat US apportera probablement un message en ce sens. Nos voisins algériens quant à eux accompagnent la Tunisie depuis l’émergence de cette menace.
Ainsi, le gouvernement Jomaa semble avoir plusieurs cartes en main pour contrer le danger terroriste et sa propagation ou sa banalisation. Le soutien et la vigilance de l’opinion publique ne sont pas la moindre de ces cartes. Au contraire, c’est dans l’adhésion des citoyens, tous les citoyens, que devra se développer ce combat qui interpelle la responsabilité collective de tous les Tunisiens.
Oui, changeons notre fusil d’épaule, et malgré les remous sur le plan régional, sachons défendre l’exception tunisienne, la transition démocratique et la souveraineté d’une Tunisie qui saura s’extirper des agendas frériste et jihadiste qui cherchent à nous réduire ou bien nous détruire.