Samedi 10 septembre je me suis plantée devant mon téléviseur pour regarder, sur France 3, le méga spectacle annoncé comme l’événement culturel de l’année avec le titre pompeux de «Hymne à la liberté», enregistré la veille au Théâtre romain de Carthage. Première tromperie au lieu de l’événement annoncé, nous avons assisté à une émission de variétés télévisuelle française de troisième zone avec tous les ingrédients : présentateurs à l’humour douteux, play-back, interviews, reportages insérés, public à la carte…
Cette opération a coûté d’après certains médias 2,5 MD soit 1,2 M d’euros environ et a été coproduite par deux sociétés privées : Électron libre du célèbre groupe Lagardère et Froggies Media. Rappelons qu’Électron libre était le producteur attitré de Frédérique Mitterrand du temps où ce dernier réalisait des documentaires pour la télévision et que cette société de production, dont le patron est un français d’origine tunisienne Yannis Chebbi, n’a pas laissé les meilleures impressions lors du tournage d’une émission similaire (Concert pour la tolérance) il y a quelques années du côté de la Médina à Yasmine Hammamet.
Le contribuable tunisien se posera sûrement une question : combien cette chakchouka Mitterrand, Haouas et Bach a coûté à l’ONTT, Tunisair, Orange Tunisie et au ministère de la Culture ? Dans quel but toutes ces dépenses en argent, nuitées, billets d’avion, voitures de locations et autres ? La solidarité étant un argument creux sûrement, le but est-il la promotion de notre pays ? Mais cette émission a été diffusée à 23h (heures françaises) ce qui démontre l’intérêt que suscite le sujet chez nos «partenaires» français. Alors à défaut d’intérêt il faut peut-être s’avouer que l’on a été arnaqués ou complaisants parce que pour le même prix nous aurions pu organiser deux ou trois grands concerts de grande envergure internationale sur l’avenue Habib Bourguiba à Tunis. Ces concerts auraient été relayé par nos télévisions publiques ou privées avec à la clé un résultat sûrement de loin plus intéressant en matière de visibilité, sans attendre que France3 nous en donne l’idée, mais bien sûr si c’étaient des producteurs tunisiens on aurait crié au scandale, à la corruption, aux pots de vin et ainsi de suite ! ! !
France3 zappe Bendir Man
Revenons sur scène où cette lamentable variété a réuni des artistes internationaux ringards et has been avec des artistes tunisiens jouant aux figurants intelligents. On aurait pu inviter d’autres artistes engagés dont le discours avant-gardiste est loin d’être circonstanciel tels que Le Forestier, Souchon, Bernard Lavilliers. Cela nous aurait évité la filiforme épouse de BHL jouant aux précieuses ridicules en se trémoussant devant le poster de Guevara : nulle, elle faisait vraiment contraste avec El General. Quant à Bendir Man, qui a été annoncée dans tous les communiqués de presse comme faisant partie de la variété, il n’est point passé, peut-être a-t-on oublié de l’enregistrer, effacé du montage final ou peut-être que l’artiste tunisien était politiquement incorrect, nos «partenaires» nous donnant une belle leçon de «démocratie» encore une fois, mais peut être aussi que les rôles ont changés, on verra…
Quant au public, il était trié sur le volet à coup d’invitation une pratique «révolutionnaire» dont on a longtemps souffert dans nos festivals et qui revient au galop, mais tout cela n’a pas empêché l’éclatement d’une bagarre d’après certains sites internet. Je serais curieuse d’entendre la réponse de certains responsables lorsqu’on fera le parallèle entre ces pratiques pour l’hymne à la liberté et d’autres plus anciennes où l’on remplissait le Théâtre romain de Carthage à coup de bus lorsque les gradins étaient vides. Cette opération de France3 n’est pas sans nous rappeler un air de déjà vu et une autre chaîne de télé qui enregistrait ses propres concerts à Carthage : la tristement nommée Rotana…
El Che, El General, El Bach
Le dernier mot revient à notre ministre de la Culture comme dans la variété : ce monsieur sur le retour, il faudrait lui donner un surnom révolutionnaire comme El Che dont le prénom était Ernesto. Cet inévitable démagogue a prétendu, et on veut bien le croire, qu’il était le premier ministre de la Culture à monter sur la scène de Carthage, et que c’était la première fois que dix mille spectateurs se trouvaient dans le théâtre, tandis que le présentateur croyait qu’il y en avait uniquement huit mille. À noter que certains spectacles ont drainé plus de douze mille personnes par le passé. El Bach ayant été longtemps absent de la Tunisie ne savait pas que depuis les tragiques événements de Béja et de Sfax, les jauges étaient limitées à quatre-vingts pour cent de leur capacité réelle et pourtant Laurent Boyer le savait. A moins que le ministre de la Culture ne se limitait dans son décompte à l’après-révolution. Et il a raison dans ce cas, car et ne l’oublions pas le Théâtre romain de Carthage a toujours abrité le festival d’été, sauf cette année puisque décrété impraticable par notre plus grand et éminent spécialiste en archéologie à savoir maître El Bach lui-même. Mais peut-être que le théâtre a été fermé pour restauration exceptionnelle à la mesure de l’hymne à la liberté. Cerise sur le gâteau, le ministre a terminé son intervention en remercier longuement la France et Mitterrand. Heureusement qu’il a été rattrapé in extremis par Abdelli qui remerciât la Tunisie, «d’avoir produit une émission de télé pour la France».
Il y a des gens qui ne changent jamais parce qu’ils sont d’un autre temps avec une pensée tiers-mondiste, sous-développée croyant toujours au chat du Bey qui vient chier sur notre toit.
Hind Mandy