La Dame de Carthage : Une Joconde tunisienne

La Dame de Carthage : Une Joconde tunisienne
Chroniques
print



Certaines mosaïques antiques frémissent d'une beauté nimbée de mystère. C'est le cas de la Dame de Carthage, une oeuvre née selon les sources au quatrième siècle ou au sixième siècle, une mosaïque dont personne ne semble capable de saisir les origines profondes. Cette Dame de Carthage n'est-elle pas une Joconde tunisienne ? Son sourire énigmatique et l'incapacité des savants à s'accorder sur son identité en font un véritable rébus. Qui est représenté sur cette mosaïque datant de la période byzantine ? Le saurons-nous un jour ? C'est en 1953 alors que des fouilles étaient entreprises à Carthage que cette mosaïque a été découverte dans une maison. Déblayant la première pièce de la demeure, les archéologues ont d'abord dégagé une vestibule avec une mosaïque représentant la mer. Plus loin, dans une deuxième pièce à colonnades, ils identifient la dalle d'apparat de la maison et y découvrent une mosaïque tripartite dont le motif central n'est autre que la mystérieuse inconnue devenue depuis là Dame de Carthage. Cette mosaïque date du quatrième siècle et constitue un carré presque parfait. Toutefois, l'identification du personnage et la datation précise continuent à poser problème et suscitent des hypothèses nombreuses. De facture classique, cette mosaïque reste un véritable mystère, ce qui a fini par lui donner une dimension mythique. Elle est actuellement exposée au musée de Carthage dont elle constitue l'une des pièces maîtresses. De fait, avec la mosaïque de Virgile et celle d'Ulysse, cette Dame de Carthage est l'une des œuvres antiques les plus connues. Qui est donc représenté sur ce panneau ? La question a suscité une littérature abondante sans que le problème ne soit résolu. Picard, le découvreur de cette mosaïque sur la colline de Borj Djedid n'a pas tranché et au fil des décennies, le mystère s'est davantage épaissi. Pour les uns, il s'agit d'une allégorie de Carthage comme peuvent le laisser penser le nimbe qui auréole le personnage et le sceptre qu'elle tient. D'autres sont convaincus qu'il s'agit plutôt d'un portrait de Théodora, l'épouse de l'empereur Justinien. D'ailleurs, l'aspect iconique de cette mosaïque saute aux yeux au point où on la dirait sortie d'une église orthodoxe. Certains chercheurs font l'hypothèse qu'il s'agit de la représentation d'une déesse. Les plus proches de la réalité sont-ils ceux qui voient en elle une belle inconnue de la haute société carthaginoise de l'époque ? De nos jours encore, la question continue à intriguer alors que le public ne se lasse pas d'admirer la posture hiératique du personnage qui a traversé les siècles avec son mystère. Cette Joconde tunisienne est à l'image des nombreux trésors que recèlent nos musées. La beauté subtile de cette oeuvre incite à réfléchir sur les filiations artistiques qui devraient être établies avec le patrimoine antique. Car, inéluctablement, se pose la question suivante: peut-on écrire une histoire de l'art en Tunisie en omettant ou en occultant la place des œuvres antiques ? Dans cet esprit, il importe tout autant d'inscrire ces œuvres millénaires dans les dynamiques du contemporain aussi bien en tant que trace mnémique qu'en tant qu'objet critique. Vaste chantier qui peut-être permettra de retrouver le sens originel de cette Dame de Carthage qui a tant fait couler d'encre.



Commentaires

Bureaucratie, mode d'emploi

Précédent

La belle histoire du voilier loud Hadj Ameur, de Kerkennah à Sète

Suivant