Chronique de Hatem Bourial | Les belles, les durs et les classiques

Chronique de Hatem Bourial | Les belles, les durs et les classiques
Tunis-Hebdo
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Les durs au cinéma, nous en avons connu par dizaines. Les durs, c’est quand ça castagne fort et sans pitié. Les durs, c’était toutes catégories. Ça allait du péplum au western en passant par les polars et les films d’espionnage. Chaque génération a eu les siens. Du temps de mon père, Humphrey Bogart ou John Wayne étaient encore de jeunes premiers. Eroll Flynn et Clark Gable ne faisaient qu’arriver et Marlon Brando en était encore aux premiers pas. Toutefois, les rôles de durs leur allaient comme un gant. Ténébreux comme Bogart, pirate virevoltant comme Flynn, ou cowboy solitaire comme Wayne, ils avaient en commun leur capacité de fasciner le public. Toute ces stars arrivaient par vagues, régnaient pour un temps puis s’éclipsaient. Tout le monde a connu James Stewart, Gary Cooper ou Kirk Douglas du temps de leur splendeur. Leur image perdure tels que nous les avons connus dans leurs plus grands rôles. Ils peuvent vieillir mais leur image demeure. Ils peuvent mourir tragiquement comme James Dean ou Bruce Lee et ils rejoindront la dimension du mythe. Le premier dur que j’ai connu dans la plénitude de ses moyens n’est autre qu’Eddie Constantine. A l’époque, il campait le rôle de Lemmy Caution, un détective privé du temps du noir et blanc. Lemmy s’en sortait toujours, mystifiait ses ennemis, souvent sous les applaudissements nourris du public. Plusieurs de ces comédiens ont vécu la transition vers le cinéma en couleurs. Leur cinématographie est ainsi double et leur look a évolué au fil des décennies. J’ai ainsi connu pas mal de ces stars avec ou sans couleurs. C’est le cas pour John Wayne dans ses premiers westerns ou films de guerre. C’est aussi le cas pour Paul Newman ou Robert Taylor. Pour ma génération, ce sont surtout les durs de western qui avaient la cote. Des films comme « Les Sept Mercenaires » ou « La Horde Sauvage » sont désormais considérés comme des classiques. Mais du temps de leur sortie, on les regardait surtout parce que ça se battait ferme. Des gars comme James Coburn ou Charles Bronson avaient une réputation de durs qui leur collait à la peau. Même chose pour Yul Brynner, Henry Fonda ou Elie Wallach. Nous ne jurions que par leurs exploits et en redemandions sans cesse. Nous étions littéralement nourris de westerns, de cette brutalité dans laquelle excellaient Lee Marvin ou Steve Mc Queen. Plus tard adviendra le règne de Clint Eastwood et de la génération spaghetti. Les acteurs allaient se bousculer au portillon et les surenchères en matière d’hémoglobine se faire plus vives. C’est à cette époque que le public découvrit Lee Van Cleef, Giuliano Gemma, Terence Hill ou Franco Nero. C’est aussi de cette époque que datent certains westerns d’Anthony Quinn ou Jack Palance. Le public en redemandait sans cesse mais sacrifiait au culte d’autres durs tout en muscles proéminents. De fait, les années soixante ont connu l’apogée des grands péplums. Que ce soit des films de gladiateurs ou des reconstitutions historiques, les combats et les duels étaient toujours au programme. Nul n’a oublié Richard Burton et Rex Harrison dans « Cléopâtre » ou encore Charlton Heston dans « Ben Hur ». Chacun connaissait par cœur les aventures de Samson et Dalila ou celles de Spartacus. Toutefois, ces films restaient marqués par le sceau du sérieux et de la démesure dans les mises en scène. Le public, pour sa part, cherchait en général autre chose : des gars tout en muscles qui pouvaient à eux seuls mettre toute une armée en déroute, des géants invincibles qui pouvaient rompre leurs chaînes et massacrer les méchants. C’était le temps de Maciste, Hercule et Ursus et les vedettes du genre se nommaient Gordon Scott, Steve Reeves et Mark Forrest. Inénarrables, leurs aventures vous en mettaient plein les yeux. On pouvait revoir le même film à plusieurs reprises rien que pour une scène de grosse bagarre et c’est tout dire ! Peu à peu, ces films aussi ont commencé à prendre des rides et flirter avec l’oubli. Maciste et consorts rejoignirent alors dans la mémoire du cinéma d’autres héros qui avaient commencé leur carrière au temps du muet. C’est aussi le cas de Tarzan qui eut plusieurs interprètes à plusieurs époques. Beaucoup d’entre nous se souviennent de Johnny Weissmuller ou Lex Borker comme ils se souviennent des premières aventures de Superman, Batman ou Flash Gordon. Au cinéma, les modes évoluent très vite puis reviennent cycliquement avec des habits neufs. C’est de la sorte que la guerre froide a imposé son lot d’agents secrets à l’image de James Bond, interprété par Sean Connery ; Matt Helm avec Dean Martin ou Flint avec James Coburn. Hitchcock mettra pour sa part Cary Grant en vedette dans des œuvres trop subtiles pour des gosses en goguette. Faire le tour des durs au cinoche n’est pas chose aisée. On en oublie toujours quelques-uns mais qu’à cela ne tienne, nos amis lecteurs ont toujours du ressort et pourront rebondir en évoquant d’autres stars et d’autres genres cinématographiques. Pour les films de vampires, Christopher Lee était incontournable et pour la castagne, il y avait aussi les Rod Steiger, Rory Calhoun et autres Telly Savalas. Rien à faire, la liste est inépuisable…

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J’ai toujours eu un faible pour Raquel Welch. Je ne saurai pas l’expliquer mais depuis le jour où elle est apparue sur le grand écran en femme préhistorique, tous les yeux étaient braqués sur elle. Sa plastique parfaite et son regard ravageur ont vite fait de l’imposer comme la beauté avec laquelle il fallait compter. Même si ses talents de comédienne étaient plutôt limités, elle demeure l’une des belles du cinéma de notre jeunesse. Star d’un moment, elle a charmé, eu son quart d’heure de gloire puis la roue a tourné. La noria de stars est perpétuelle. Là encore, j’ai pu vivre la transition entre le noir et blanc puis la couleur. De certaines stars, je n’ai longtemps connu que les noms qui sonnaient haut et fort. Parfois, une vague silhouette, d’autres fois un simple sillage prolongeaient la vie d’une star. Sinon, elles passaient à la trappe. Pour la génération qui a eu vingt ans en 1950, certains noms de belles du cinéma allaient de soi. De Lauren Bacall à Zsa Zsa Gabor, de Greta Garbo à Marlène Dietrich, la beauté avait un nom et un prénom. Plus tard, il y aura aussi les Audrey Hepburn, Rita Hayworth, Marlyn Monroe et consorts. Ces vedettes, nous les avons peu connues, mais pour la génération précédente elles étaient incontournables les Joan Fontaine et Vivien Leigh. Ceux nés au début des années cinquante auront connu le règne de Liz Taylor, celui de Jane Fonda et ceux de Grace Kelly et Ingrid Bergman. Romy Schneider viendra plus tard, avec ces autres belles que furent Faye Donaway ou Jacqueline Bisset. On pourrait tout aussi bien lorgner du côté de Brigitte Bardot ou Claudia Cardinale ! D’ailleurs, les belles Italiennes furent nombreuses sur le grand écran, avec une touche glamour demeurée intacte. Que l’on songe à Sofia Loren ou Gina Lollobigida. Sans oublier les splendides Anna Magnani, Sylva Koscina, Marilu Tolo, Elsa Martinelli et Monica Vitti. Beaucoup d’admirateurs allaient voir tel film rien que pour elles. N’oublions pas la superbe Ursula Andress qui creva l’écran dans le tout premier film de la série des James Bond. Là encore, difficile d’être équitable ! Se souvenir de toutes les belles du cinéma est une mission impossible tant elles sont nombreuses et différentes…

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Après les durs et les belles, il reste à évoquer certains classiques qui ont longtemps compté parmi les incontournables du cinéma. L’époque dont je vous parle était très marquée par le cinéma français et les stars de l’Hexagone étaient très suivies en Tunisie. Il était par exemple un trio qui donnait le ton, avec Jean Gabin, Michel Simon et Louis Jouvet. Ces trois comédiens avaient un style très théâtral et sont restés des balises importantes dans l’histoire du cinéma. En Tunisie, on les appréciait ainsi que les vedettes féminines qui leur donnaient la réplique à l’image d’Arletty ou de Simone Signoret. Le public d’alors avait aussi les yeux de la Chimène pour Pierre Brasseur, Paul Meurisse, Charles Aznavour ou Lino Ventura. Les comiques aussi avaient les faveurs du public. Fernandel, Raynaud Bourvil et Francis Blanche avaient leurs inconditionnels tout comme Louis de Funès. Dans un autre registre, Gérard Philippe occupait une place à part. Jeune premier, lui aussi venu du théâtre, il avait vite fait de conquérir le public mais il sera arraché à la vie à la fleur de l’âge. Alain Dolon et Jean-Paul Belmondo prendront le relais aussi bien dans des films d’aventure que pour des œuvres plus recherchées. Delon a fait des étincelles dans « La Tulipe noire » ou « Plein soleil », alors que Bêbel s’est imposé avec « L’homme de Rio » ou « Les Tribulations d’un Chinois en Chine ». De cette époque, les Michel Piccoli, Jean-Louis Trintignant et Maurice Romet ont aussi marqué le cinéma français. Avec eux, des centaines de comédiens ont forgé la légende de plusieurs décennies et laissé des films de répertoire. Encore une fois, il est difficile de tout mentionner mais Michèle Morgan, Anouck Aimée ou Jeanne Moreau s’imposent d’elles-mêmes pour ne citer qu’elles. Originalité du rapport des Tunisiens au cinéma, la présence du film italien a toujours été forte. C’est probablement pour cette raison que les années 1970 ont été marquées par la comédie italienne et ses stars. Ces films de Dino Risi ou Ettore Scola mettaient en scène des comédiens fabuleux. Souvenez-vous de Nino Manfredi ou Vittorio Gassman ! Souvenez-vous de « Nous nous sommes tant aimés », « Pain et Chocolat » ou « L’argent de la vieille ». Tous ces films sont restés des semaines à l’affiche et brassé des foules. Ces œuvres font désormais partie de la petite histoire du cinéma en Tunisie. Ils ont eu leur heure de gloire comme « Les Dix commandements », « Laurence d’Arabie » ou « Autant en emporte le vent ». Je me demande parfois si tous ces films auraient du succès aujourd’hui. Par ailleurs, quelles peuvent bien être les œuvres à succès en Tunisie ? La question mérite d’être posée et si je pouvais répondre à propos des années 1970, je citerais trois films que tout le monde (ou presque) a vus. Ce sont « La Fille de Ryan », « Un Eté 42 » et « Little Big Man ». Je suis certain que vous vous souvenez de ces films et de beaucoup d’autres. A votre tour dès lors de vous creuser les méninges pour retrouver toutes les traces de pellicule qui ont éclairé notre imaginaire. Comme disait l’adage qu’on affichait à l’entrée des salles : « Quand on aime la vie, on va au cinéma… » Ne vous le faites pas dire deux fois !

Hatem Bourial Tunis-Hebdo du 28/01/2019




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