Ne me recensez pas !

Ne me recensez pas !
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TRIBUNE - «Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !», criait Partick Mc Goohan dans «Le Prisonnier», une série télé britannique des années soixante. Ce cri est revenu à mes oreilles lorsque j’ai appris que le peuple tunisien sera bientôt réduit à des chiffres, à l’occasion du Recensement général de la population qui a démarré, la semaine dernière. Dans quelques mois, nous serons tous sur des tableaux statistiques, soumis aux regards curieux d’experts de toutes sortes qui nous transformeront en moyennes et pourcentages et nous feront passer par le filtre de formules magiques qui leur permettront de nous (mal !) traiter statistiquement. Or, personnellement, je n’ai pas envie d’être prisonnier, avec des millions de mes concitoyens, des tableaux statistiques. D’une, je suis claustrophobe. De deux, je n’aime pas être mêlé à la grande foule, et quelle foule en l’occurrence ! De plus, j’ai peur d’être traité statistiquement. Cela doit faire mal quelque part, comme tout traitement, et je pense notamment aux traitements médicaux ! Et puis, narcissique comme je suis, je déteste vraiment l’anonymat. Si, au moins, on indiquait n’importe quelle liste, j’accepterais à la rigueur d’être recensé. Mais je sais bien que jamais il ne viendrait à l’esprit de nos recenseurs (re-censeurs ?) de publier une liste de plus de dix millions de personnes. Ce serait aberrant et très coûteux ! Pour toutes ces raisons, je vous prie, Messieurs et Mesdames les recenseurs, et je vous supplie: «Ne me recensez pas» ! De toutes les façons, vous ne perdez rien si vous ne me recensez pas. Un habitant de plus ou de moins parmi des millions d’âmes ne représente pas grand-chose et ne faussera en rien les résultats de votre recensement. Alors, renoncez, s’il vous plaît, à me recenser ! «Il faut savoir également que je suis un homme discret, voire réservé, et j’ai horreur qu’on vienne chez moi fouiner dans mes affaires et me poser des questions d’ordre très personnel ou que j’estime comme telles. Vous n’arriverez donc à rien si vous venez me recenser !» Je me pose, enfin, cette question cruciale: à quoi cela me servirait personnellement d’être recensé ? La réponse me vient indirectement d’un monsieur très sérieux que je vois passer à la télé: il paraît que l’on recense les Tunisiens (bit bit, zanga zanga), afin de cerner objectivement les besoins du pays (quitte à ne pas les satisfaire plus tard, mais ceci est une autre question !). L’idée est, en elle-même, excellente, mais elle ne m’intéresse pas personnellement. C’est que, en toute modestie, je connais bien mes besoins et je sais comment y pourvoir (ou ne pas y pourvoir). Alors, de grâce, Messieurs et Mesdames les recenseurs, ne venez pas me recenser ! Cela ne vous servira à rien, ni à moi non plus. Allez plutôt du côté de ceux qui sont dans le besoin ! Tiens! A propos de ceux qui sont dans le besoin, croyez-vous, Messieurs et Mesdames les recenseurs, que leur priorité c’est d’être recensés ? Mais comptez quand même les pauvres, il en restera toujours quelque chose: des chiffres sur le papier !

Adel LAHMAR




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