Le billet de Hatem Bourial - Un tout petit oiseau pour booster les militants

Le billet de Hatem Bourial - Un tout petit oiseau pour booster les militants
Chroniques
print



Je tiens cette histoire de mon ami Karim Ben Smail. Elle a surgi au cours d'une conversation et, depuis, je l'ai racontée autour de moi et pu constater que la morale qui en naissait était plutôt appréciée. Je me suis alors décidé à vous la raconter car je trouve que cette histoire résume bien les moments de doute, les passages à vide et l'engagement toujours renaissant.

Il s'agit d'un tout petit oiseau, un minuscule volatile de la taille d'un canari. Lorsque notre histoire commence, un incendie venait d'éclater dans la grande forêt des animaux. Le feu, poussé par le vent se propageait de plus en plus vite et les grands animaux commençaient à fuir pour se réfugier dans les clairières et près des points d'eau, là ou leurs chances de survivre étaient plus grandes. Cet exode animal se passait sous le regard placide du Roi Lion, inquiet pour ses sujets. Pendant tout le temps durant lequel l'incendie faisait rage, un tout petit oiseau faisait une épuisante noria du point d'eau à la foret et ainsi de suite. A chaque fois, il remplissait son bec d'eau et allait déverser cette eau sur l'incendie. L'oiseau continuait son manège malgré le peu d'effet de son action. Suivant ce manège, le lion finit par demander à l'oiseau : "Ne vois-tu pas que tes efforts ne servent à rien?" Ce à quoi l'oiseau, philosophe et convaincu répondit : "Oui, mais je fais ce que je peux, tout ce que je peux pour sauver la forêt". Karim ne m'a pas dit ce que le Roi Lion a bien pu rétorquer à ce Diogène ailé. J'imagine qu'il se demanda quel genre de fou était cet oiseau qui, dans la panique générale pensait encore à l'intérêt collectif et s'épuisait en vains efforts. Il se dit probablement aussi qu'au fond, cet oiseau avait peut-être raison, qu'en tous cas, il donnait le meilleur de lui-même. L'histoire de cet oiseau me renvoie à mes propres démissions mais aussi à une évidence. En ce moment, je fais ce que je peux pour faire ce qui me semble juste. Et je sais que nous sommes des millions dans ce cas à ne pouvoir qu'arroser l'incendie, la menace, la catastrophe, de quelques gouttes de bonne volonté qui sont tout ce que nous pouvons. Il faut continuer à le faire, tout en essayant de mieux le faire. Car tout engagement est à ce prix. Les valeurs d'effort et de sacrifice sont essentielles dans la vie d'un militant. Et, même lorsqu’on ne donne que ce que l'on peut, l'essentiel est de le faire avec courage et bonne foi. Et de toute façon, l'attitude de cet oiseau métaphorique est riche de mille messages, mille valeurs généreuses que nous tendons à perdre de vue. A chacun(e) de balayer devant sa porte, à chacun(e) d'apporter la brique qu'il peut et de la sorte, le combat, toujours renouvelé, ne sera jamais perdu. Qu'on se le dise, le geste d'un petit oiseau peut parfois suffire... Et, ne dit-on pas que le battement d'ailes d'un papillon ici peut générer une tempête là-bas ? J'aimerais tant aujourd'hui que des voix sincères se lèvent pour parler de révolution véritable de nos mentalités, pour nous rappeler tous les sacrifices consentis par nos ainés pour que la Tunisie soit indépendante, moderne et libre, pour nous dire que seul l'effort contribue a la gloire des nations. Tous ces mots peuvent paraitre vagues, pompeux, démodés. Pourtant, ce sont bien d'eux et de toutes nos valeurs humaines dont nous avons besoin pour défricher l'avenir et conjurer toutes ces menaces qui visent la Tunisie car elle est aujourd'hui devenue le maillon faible de la modernité arabe voulue par nos pères et aïeux, un maillon que des émirs décadents veulent abattre a tout prix. J'ai parfois pu dire ces derniers temps qu'il était difficile de se battre contre des pétrodollars. Et je crois avoir raison de le souligner. Toutefois, la leçon que me donne cet oiseau courageux me renforce, me rassérène. La Fontaine ne disait-il pas qu'on a toujours besoin de plus petit que soi ? Dés lors serais-je le plus anonyme et le plus minuscule militant pour la modernité et la liberté, je continuerai à me battre. Pour que vive la Tunisie et pour que tombe l'imposture impérialiste des agresseurs de notre indépendance et de nos consciences...



Commentaires

Le billet de Hatem Bourial - Cri du cœur pour Tunis, ma ville qui se meurt...

Précédent

Sidi Bou Said : A quand une rue Rodolphe d'Erlanger ?

Suivant