Affaire Jabeur Mejri et Weld El 15 - La mobilisation monte d'un cran

Affaire Jabeur Mejri et Weld El 15 - La mobilisation monte d'un cran
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Une conférence organisée hier à l’hôtel Africa par l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), le Comité de soutien Jabeur (mouvement 13), la Fédération internationale des droits humains (FIDH), le Réseau Euro-Med, la Ligue tunisienne des droits humains (LTDH), l’Association Défi et l’Organisation tunisienne de citoyenneté (OTC). Cette conférence de presse vient dans le cadre des actions mensuelles tenues par le comité de soutien de Jabeur pour annoncer la décision de porter l’affaire devant la Cours Africaine des Droits de l’Homme. Comme l’a expliqué Mokhtar Trifi (président de la FIDH-Bureau Tunis) dans le mot d’ouverture de la conférence de presse, cette conférence est une mesure suite à la dernière grâce présidentielle accordée par Moncef Marzouki en faveur de 79 prisonniers de droit commun pendant la journée internationale des droits de l’Homme (le 10 décembre). Le seul prisonnier d’opinion, Jabeur Mejri n’y figurait pas, malgré les promesses et les déclarations du président à l’international de gracier ce jeune prisonnier. «Celui qui a donné ces promesses ne les a pas tenues, l’Etat tunisien a brisé son accord avec son peuple !», a insisté M. Trifi en ajoutant que «cette révolution qui réclamé liberté et dignité est en train de bouffer ses enfants». Comme Jabeur, un autre jeune, un artiste rappeur «Weld El 15» qui s’était livré à la justice, de son propre gré, s’est vu lui-même condamné à 4 mois de prison ferme pour une chanson. «Basta ! On n’en peut plus ! Cette situation d’atteinte aux libertés ne peut plus durer !», a lancé M. Trifi.Le mot du comité de soutien a été prononcé par Henda Chenneoui (journaliste indépendante) qui a présenté les dernières nouvelles concernant le dossier de Jabeur et certains «à-côtés» de l’affaire. Les parents du prisonnier, encore sous le choc, vivent dans un harcèlement permanent ; Jabeur qui avait reçu la promesse d’être libéré par le président le 10 décembre «vit dans le désespoir et connaît une grande déception» selon les dires de Mlle Chenneoui ajoutant que «cet état presque dépressif que connaît ce jeune prisonnier empire suite aux harcèlements que lui font vivre ses geôliers». «Il ne reçoit même plus les correspondances que lui envoient des centaines de personnes à travers le monde, c’est inadmissible ! Avoir le droit à une correspondance est la moindre des choses !» Sur ces mots, une jeune fille portant le dossard de «Amnesty International» se lève et distribue des cartes postales aux présents. Chacun griffonne un mot discrètement : «Tu n’es pas seul, Jabeur», «On ne t’oublie pas», «Compte sur nous, on te vengera». La conférencière ajoute, non sans humour, que le cheikh salafiste qui avait mené une campagne anti Jabeur Mejri à Mahdia et qui avait promis de le pourchasser même derrière les barreaux et qu’il devait faire attention à sa vie même en prison, a quitté le sol tunisien pour aller faire le jihad en Syrie. «Bon débarras !», entendait-on dans la salle. «La jeunesse est dans la ligne de mire, même les évènements de la révolution sont désormais désignés par le terme violences !» s’indigne Yosra Frawes représentante de la FIDH. Violences, turbulences, atteintes à l’ordre, ces mots magiques se trouvent désormais dans chaque affaire de liberté individuelle ou liberté d’expression. Il suffit de se remémorer l’affaire de Saber Mraihi accusé d’avoir participé à la Révolution. «Il est nécessaire de rassembler les forces de la société civile autour de cette affaire, celle de Weld El 15 et toutes les atteintes aux libertés». D’où ce rassemblement d’associations et d’ONG. «Mais ce qui ce passe désormais dans le pays est un scandale !», surenchérit Saida Rached, représentante de l’ATFD. Condamner Jabeur à cause d’une publication privée sur Facebook en un temps record, puisque moins de 48 heures après, l’interrogatoire de Jabeur avait déjà commencé ! «Où est donc le procureur général quand il s’agissait d’atteintes témoignées par l’autre clan ? Où est donc la justice quand certains se sont attaqués à l’ATFD en nous qualifiant de femmes «de mauvaise fréquentations» et quand des campagnes de dénigrements se sont spécialisées dans l’atteinte de certaines personnalités sur les réseaux sociaux ?». Deux poids, deux mesures, ce serait donc la raison derrière l’état actuel des choses. «Aujourd’hui, en Tunisie post-révolutionnaire, on a un réfugié politique et deux prisonniers d’opinion, les lois rétrogrades de Ben Ali et de nouvelles, comme celles légiférant les mosquées, les lois du Habous… On retourne en plein moyen âge !». Le problème dans l’affaire de Jabeur, comme celle de Weld El 15 serait purement législative, surtout celle régissant les arrestations, il serait donc urgent de changer et de réformer les procédures et conditions de la garde à vue. Dans l’affaire de Jabeur par exemple, l’interrogatoire s’est déroulé sans la présence d’un avocat. Un autre point important est également à relever. Les citoyens ont également une part de responsabilité, car tout dépassement et toute atteinte aux libertés devrait être reportés et dénoncés, comme cela s’est fait par «l’autre clan» dans l’affaire de Jabeur. «Jabeur à qui le président, ex-défenseur des droits de l’homme a trahi, je dis bien ex-défenseur, maintenant, il gracie des criminels, des violeurs, des pédophile, alors que Jabeur croupit encore en prison !». La conférence de presse qui a drainé la grande foule, entre journalistes, société civile, de simples citoyens, des femmes voilées, toutes tranches d’âges, a fini en marche silencieuse à travers l’avenue Habib Bourguiba en direction de la rue de Marseille jusqu’aux bureaux de la FIDH. Des bougies, 669, en signe d’espoir ont été allumées par la foule, suivie d’un moment musical ainsi qu’une performance de tags de différents artistes. Des sourires aux lèvres, une marche calme malgré l’indignation des personnes. Des banderoles, des flyers distribués, mais des passants indifférents d’une part, moqueurs et provocateurs d’une autre. «Ce sont les zéro virgule, semblait-on penser». Mais cela n’est certainement pas grave, les défenseurs des droits humains ont toujours été une minorité, mais en Tunisie, une minorité grandissante.Les-à-côtés • L’action «10 jours pour signer» lancée par Amnesty International a été effectuée en marge de la conférence. Cette action qui consiste à signer des pétitions dans le cadre d’une mobilisation mondiale pour sortir de l’oubli des hommes et des femmes dont les droits sont bafoués. 12 personnes font l’objet de ces pétitions afin d’être libérés : Nabi Salah, Vladimir Akimenkov, Artiom Saviolov, Mikhel Kosenko, Eskinder Nega, Ihar Tsikhanyuk, Miriam Lopez, Yorm Bopha, Dr. Tun Aung, Yolanda Oquali, Nguyen Tien Trung et Jabeur Mejri. • Ecrire à Jabeur un mot de solidarité s’est déroulé avec beaucoup d’émotion de la part des présents. • Un intervenant s’est indigné devant l’évocation de la grâce présidentielle : «demander la grâce signifie implicitement demander pardon, et demander pardon implique le fait qu’on avoue qu’il y a eu crime ! je conteste ça !». M. Trifi a expliqué que cette réflexion était légitime mais que concrètement c’était le seul moyen légal de faire libérer Jabeur Mejri, surtout que l’arrestation s’est faite à cause des défaillances législatives. • Un journaliste qui ne s’est pas présenté a annoncé au micro qu’en marge de cette conférence de presse qui défend les libertés, des journalistes de la chaine Attounissia ont été interpellés par la police pour avoir filmé un micro-trottoir sans autorisation de filmer. • Mohamed Attia (LTDH) qui donnait un mot lors de la conférence et qualifiait le président de République comme l’ex-Président Honorifique de la Ligue s’est fait interrompre par les présents. «Il l’est encore ! Moncef Marzouki est encore le président honorifique de la LTDH !». Après un moment de rires, il rapplique «Et bien… on lui enlèvera cet honneur !». • Nejib Abidi, fondateur de l’association Chaâbi et organisateur du festival «L’Angar» de rap, qui se tiendra aujourd’hui, samedi 14 et demain dimanche 15 décembre est intervenu pendant quelques minutes pour expliquer, que parallèlement à l’arrestation de Weld El 15, le ministère de l’Intérieur «a encore frappé en interdisant le visa à certains de ses invités». «Au début, on nous a fait comprendre que les visas ont été refusés à des groupes d’origine syrienne, palestinienne et libanaise, mais c’était pour la raison suivante : ces nationalités sont «terroristes» ! Mais cette explication manque de précision. Mazen Sayyed, le chanteur de «Ras», l’un des groupes interdit de visa, avait tenu un discours anti policier l’été dernier et participé à la campagne #Free15». Pour finir, il a ajouté «le ministère de l’Intérieur et celui des Affaires religieuses peuvent interdire des concerts, oui, mais ils ne nous interdiront pas d’écouter les musiques qu’on aime, ni d’avoir notre liberté de penser».



André Parant juge nécessaire de préserver les acquis démocratiques en Tunisie

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