Sous réserve d’approbation du Conseil d’administration du FMI, le nouveau mécanisme élargi de crédit (MEDC), d’un montant de 1,9 milliard de dollars «soutiendra les réformes des autorités pour rétablir la stabilité budgétaire et extérieure».
La montagne a-t-elle accouché d’une souris quant au montant du prêt du FMI ? 1,9 milliard de dollars, à raison de 500 mille dollars, à débloquer par tranche semestrielle dès début 2023, est jugé, en effet, dérisoire par rapport aux besoins de financement extérieur du pays (13 milliards de dinars) et par rapport aux attentes du gouvernement, lequel tablait sur une enveloppe de 4 milliards de dollars.
Sans doute, à défaut de nous rassasier, ce prêt, sous réserve d’approbation, devra nous permettre de gérer, autant que faire se peut, les affaires courantes du pays et, surtout, de ne pas nous exposer aux « griefs » de nos fournisseurs et de nos créanciers.
Un prêt, des affectations !
Débile celui qui croit que l’institution de Bretton Woods a signé un chèque en blanc à la partie tunisienne et que le gouvernement aura la liberté de l’exploiter comme bon lui semble. Cet argent, le FMI le débloquera sous conditions avec, au préalable, des critères de résultats.
Il s’agit, en effet, d’un contrat à objectif et au terme de chaque étape, il sera fait ou non déblocage de l’échéance suivante. En plus de rétablir la stabilité budgétaire et extérieure, ce prêt est destiné, insistent les experts du FMI, « à renforcer la protection sociale et promouvoir une croissance plus élevée, plus verte et inclusive ».
Mais, au-delà des réformes qui conditionnent ce prêt, desquelles le gouvernement ne peut d’ailleurs s’extirper, à quoi serviront concrètement ces 1,9 milliard de dollars ?
Il ne faut pas être prophète pour le deviner : nous estimons qu’une partie de cet argent ira aux entreprises publiques et aux établissements publics à caractère non administratif, en proie à des difficultés de trésorerie qui les ont empêchés de payer leurs fournisseurs.
Nous citons les Offices sous leurs différentes facettes (Office des Céréales, Office de la Marine Marchande et des Ports, etc.), les sociétés régionales de transport, Tunisair, la SNCFT, la CPG, l’Etablissement de la télévision tunisienne et la liste est encore longue des entreprises publiques dont les finances sont à sec et qui ont besoin d’argent frais pour poursuivre leur activité.
Une autre partie de cet argent sera utilisé par l’Etat pour payer une partie de ses dettes envers la STEG, Tunisie Telecom et surtout la Sonede. Les caisses de sécurité sociale (CNSS, CNAM et CNRPS) ne seront pas en reste et auront droit à une partie du « butin » du FMI pour pouvoir assurer leur fonction. Sans oublier le paiement des salaires, une charge que l’Etat ne peut assurer indéfiniment.
Et l’argent de la Douane…
Les profanes ne sont pas au courant qu’au moment où l’Etat cherche inlassablement des ressources pour stabiliser ses finances publiques, une simple opération de recouvrement qu’il entreprendrait pourrait le sortir de l’ornière.
Il faut savoir, en effet, que les dettes que la Douane ne peut recouvrer, auprès de tiers, faute d’effectif, sont estimées à des milliards de dinars. Pour peu que l’Etat affecte un effectif pour la circonstance, il pourra ramasser beaucoup d’argent à défaut d’encaisser la totalité des dettes.
Nous ne parlons pas de la fiscalisation du travail au noir, un procédé à travers lequel l’Etat peut drainer des milliards de dinars dans ses caisses. D’ailleurs, la fiscalisation du travail au noir est, entre autres, réforme à laquelle le prêt du FMI est suspendu.
Mais, sans doute, ce sont les mesures de soutien aux ménages les plus modestes qui seront dans le collimateur des experts du FMI. C’est-là un préalable à la levée progressive des subventions à laquelle l’argentier du monde tient mordicus.
La question qu’on doit se poser : l’Etat a-t-il les coudées franches pour suivre à la lettre cette feuille de route au moment où la précarité de la vie et la grogne de la rue s’intensifient ?
Chahir CHAKROUN
Tunis Hebdo du 24/10/2022