La tension monte, la colère gronde et c’est Youssef Chahed l’origine de cette nouvelle Fronde.
Notre jeune « chef » du Gouvernement, sur qui l’espoir sincère de tout un peuple reposait, vient de s’illustrer par son égoïsme en créant le 215ème parti politique d’un pays contenant à peine 12 millions d’habitants.
Un acte truffé de mauvaise foi car, non content de s’accaparer le slogan national « Tahya Tounes » pour nommer sa petite bande, M. Chahed s’est laissé séduire par une éventuelle alliance avec l’immuable parti islamiste d’Ennahdha du Tout-Puissant Rached Ghannouchi.
De l’espoir au désespoir
En moins de deux ans et demi, l’homme fort du pays est passé de « Joe la mitraille » à « Joe le Taxi ». Faisant partie de cette nouvelle vague de politiciens aux ambitions démesurées, le jeune Youssef Chahed, docteur en agro-économie, expert international en agriculture et polyglotte averti incarnait, en 2016, le symbole de la renaissance, la vraie, pas celle de l’imposture velue.
Dès sa prise de fonction à Dar el Bey, ce géant de 41 ans avait déclaré une guerre ouverte à la corruption, pour la plus grande joie de tout un peuple. Un paysan s’est même permis de sacrifier un mouton pour lui souhaiter bon courage. Très vite, les têtes tombent. De haut commis de l’Etat se mettent à fouler les marches des tribunaux et à caresser les barreaux des prisons.
Une sorte de nettoyage ethnico-politique s’est mis en place et Chahed voit sa cote de popularité atteindre les sommets. Balayant d’un revers de main les six mois chaotiques du « muet » Habib Essid, le fils prodigue de Caid Essebsi, souvent comparé à son homologue canadien, Justin Trudeau, impose sa conduite d’une belle voix retentissante et dans le dialecte de ses sujets.
« Il n’y a aucun doute, c’est l’homme qu’il nous faut », clament les enfants de la Révolution. Partout sur les réseaux sociaux, les exploits de « Joe » sont célébrés. Même ses concurrents directs dans la course à la présidence se retirent peu à peu, convaincus qu’ils ne disposent pas du même soutien populaire que le petit-fils de Radhia Haddad. Hafedh Caid Essebsi, Mohsen Marzouk et Mehdi Jomâa font, ainsi, profil bas et s’isolent derrière certaines interventions radiophoniques dans le but de lever un électorat.
Entretemps, les choses ne vont pas fort au sommet de l’Etat. Affaibli par les revendications syndicales qui usent des faiblesses de la démocratie pour légitimer leur flemmardise, par la colère d’un peuple soumis au diktat du FMI et par son combat contre les forces obscurantistes, Youssef ralentit la cadence et décide de passer dans le clan des loups avant d’y laisser sa peau.
Le parti « Tahya Tounes » voit, donc, le jour le 27 janvier dernier et Chahed peut alors voler de ses propres ailes. Seulement voilà, Ennahdha est à l’affût et ne compte pas se passer d’un tel atout laïc et si séduisant. Le piège se referme…
Ennahdha : la chose d’un autre monde
Dans le film « The Thing » (La Chose) de John Carpenter, un extraterrestre difforme sème la terreur au sein d’une équipe de biologistes coincée en plein milieu de l’Antarctique. La particularité de cette chose d’un autre monde est qu’elle réussit à imiter à la perfection les proches de ses victimes pour ensuite les dévorer au moment opportun.
Ennahdha semble exceller dans cette pratique. Car sur le fond, ce parti se revendique comme le défenseur des versets coraniques mais sur la forme, il enchaîne les alliances et les sempiternelles coalitions avec des partis rivaux. Au final, il n’y a ni Charia, ni laïcité, ni dictature et ni démocratie. Pendant que le Tunisien se noie dans la précarité, 216 partis se disputent le droit de le sauver.
Pour en revenir au polémique « Tahya Tounes » qui se revendique comme un obstacle aux ennemis de la République, le nahdhoui Nourredine Bhiri a déclaré que son parti serait prêt à s’allier avec « Tahya Tounes » sous certaines conditions.
La simple évocation de ces « certaines conditions » d’alliance soutient le fait que Chahed se serait rapproché de Ghannouchi alors que ce dernier avait lancé une procédure disciplinaire à son encontre le 15 septembre dernier. Quelle déception et quel manque de dignité !
Bref, il est inutile de tortiller du cul pour chier droit. Le « frère musulman » est aux commandes et cela depuis qu’il a posé le pied à l’aéroport Tunis-Carthage un 30 janvier 2011. Alors confions-lui les clés du Jurassic Park de Carthage et arrêtons cette mascarade démocratique une bonne fois pour toutes.
Mohamed Habib LADJIMI
Tunis-Hebdo du 11/02/2019