Sauf rebondissement, Marrakech, théâtre, vendredi, d’un séisme dévastateur, accueillera, du 9 au 15 octobre prochain les Assemblées annuelles du Groupe de la BM et du FMI. Une occasion propice pour les deux institutions de montrer patte blanche envers les pays de l’hémisphère sud et de les aider à surmonter leurs crises, comme celle dont l’ancienne cité impériale marocaine a été le théâtre.
Les Assemblées annuelles du Groupe de la BM et du FMI seront-elles maintenues, à la date et au lieu, indiqués – durant la deuxième semaine d’octobre à Marrakech – après le séisme meurtrier qui a frappé la ville vendredi ? C’est la question que nous avons cherché à éluder via des communiqués émanant de ces deux institutions.
A l’heure où nous mettions sous presse, aucune information dans ce sens n’a été formulée, ce qui sous-entend que Marrakech, qui n’a pas encore pansé ses plaies et « comptabilisé » ses morts, sera bien l’hôte (malheureux) de cet événement.
Esprit es-tu là ?
Dans quelle atmosphère cette ville, meurtrie, accueillera ces Assemblées et avec quel esprit les délégations des 189 pays présents aux assises débattront des sujets et ordres du jour des travaux ? Quid de l’hébergement et des déplacements des 14 mille personnes, entre officiels (4500), experts, journalistes et société civile attendus pour prendre part à cet événement ?
Y aura-t-il des désistements en rapport avec l’état des infrastructures routière, aéroportuaire et hôtelière de la ville, sachant que, jusqu’à fin juin, quelque 12 mille chambres d’hôtel ont été réservées au niveau de la ville de Marrakech. Le site qui devrait accueillir les travaux sera-t-il maintenu – un espace d’une superficie de 25 hectares est en cours de préparation – ?
Des questions et bien d’autres, notamment celle de la sécurité des officiels, sont suspendues, à l’heure actuelle, à la célérité et l’efficacité de l’intervention des autorités marocaines, mais aussi au soutien des pays et des institutions mondiales au premier rang desquelles les deux institutions phares de Bretton Woods, le FMI et la BM.
Des vœux pieux !?
Le séisme qui a frappé Marrakech peut-il changer le cours des relations nord-sud et celles qu’entretiennent les institutions de Bretton Woods avec les pays pauvres en particulier, dans le sens de l’allègement des conditions d’octroi de toute forme d’aide et de prêts ?
L’aide au développement et la lutte contre la pauvreté, entre autres missions de la BM, et surtout les prêts accordés par le FMI pour promouvoir la stabilité macroéconomique et financière des pays, seront-ils accordés, dorénavant, sans conditions préalables et préétablies, comme ils ont l’habitude de poser à chaque fois où il s’agit de donner de l’argent aux plus déshérités ?
Y aura-t-il une prise de conscience générale quant à l’importance de réduire les inégalités entre l’hémisphère nord, centre du progrès et de la richesse, et un hémisphère sud concentrant tous les maux du monde ?
Le malheureux événement de Marrakech proposera-t-il des canaux de financement plus souples, et des conditions moins douloureuses aux pays qui sollicitent des prêts du FMI ? Ce dernier va-t-il se montrer moins arrogant vis-à-vis des pays du sud et leur accorder le même égard que celui qu’il manifeste aux riches ?
A ce que l’on sache, promouvoir la stabilité macroéconomique et financière des pays, mission chère au FMI, n’est pas incompatible avec les questions liées aux conditions de vie des populations, à leur déplacement, à leur émancipation, à leur développement, à la recherche d’un avenir meilleur que celui qu’elles ont aujourd’hui.
Peut-on espérer que ce malheureux séisme réveillera le monde sur les aspects de la condition humaine, et reléguer les autres aspects au second plan ?
Chahir CHAKROUN