Dans une conjoncture marquée par un taux de chômage élevé et par une inflation flirtant deux chiffres (9,8%), il est heureux qu’il y ait en Tunisie une économie parallèle florissante, sinon plusieurs couches de la population auraient crevé de faim !
D’aucuns diront que cette lecture et cette façon de voir les choses sont fausses, car établies sur un rapport de causalité, étant donné que l’économie informelle est une conséquence directe du chômage et de l’inflation. Ils n’ont pas tort, sans doute.
Il faut, cependant, noter que l’économie informelle n’est pas le fait d’aujourd’hui et elle ne fleurit pas, forcément, par conjoncture défavorable et seulement en temps de récession.
Au plus fort de la croissance des années 90, avec un PIB évoluant positivement au rythme de 6% en moyenne, le secteur informel existait déjà et se développait parallèlement à l’économie formelle de laquelle il tire à la fois source et fondements.
Les chiffres « accablants » de la BM !
Que le gouvernement veuille, aujourd’hui, intégrer l’économie parallèle dans le secteur formel en vue de renforcer l’assiette fiscale et de la rendre plus équitable, c’est, à bien des égards, légitime et constitue une gageure. Cependant, ce vœu ou cette entreprise, en plus du fait qu’elle est techniquement difficile à réaliser, elle requiert d’importants moyens financiers et humains qui manquent terriblement dans l’état actuel des choses.
A en juger le dernier rapport de la BM sur le « paysage de l’emploi en Tunisie », on conclut que le secteur informel est indéboulonnable et constitue même un des fondamentaux de l’économie. Une statistique suffit pour expliquer cela : la moitié de la population active tunisienne travaille dans le secteur parallèle.
Autre chiffre accablant qui verse dans la même thématique et qui montre à l’envi l’aversion des jeunes au travail : seuls 47% de la population active de plus de 15 ans, estimée à 8,7 millions de personnes, sont actifs sur le marché du travail, tandis que le reste, soit 53% (4,6 millions de personnes) ne travaillent pas et ne sont pas en recherche d’emploi.
Des chiffres qui dépassent tout entendement et qui discréditent les chiffres officiels du taux de chômage, sans doute loin des 15 ou 16% déclarés.
Intégrer le formel dans l’informel !
Quand bien même caricaturale, cette option n’en cache pas, en filigrane, une vision et une idée à creuser au moment où les alternatives manquent et les solutions aux problèmes sont quasi-inexistants.
Quand l’Etat invite les fonctionnaires à sortir avant l’âge légal de retraite et de s’établir pour leur propre compte, n’est-ce pas là une formalisation avec l’économie informelle ? Quand le gouvernement se dit décidé à appliquer le régime d’imposition réel à tous les secteurs d’activité, en lieu et place du régime forfaitaire, cela ne stimule pas l’évasion fiscale et l’activité au noir ?
Quand on augmente, sans cesse, les taux d’imposition, sous toutes leurs formes, une telle politique, en plus de sanctionner ceux qui travaillent, n’entraine-t-elle pas une aversion à l’investissement et n’augmente-t-elle pas le phénomène de blanchiment d’argent qui prend une ampleur démesurée ?
Avec les réformes économiques, notamment la levée des subventions, le gouvernement ne craint-il pas une recrudescence du commerce parallèle des matières de base et des carburants et le manque à gagner en impôts. Tout ça pour dire que dans n’importe quel projet économique, si l’Etat n’a pas les moyens de sa politique la réussite est illusoire.
Et comme dirait l’adage “l’illusion c’est l’ignorance.”