Dans une déclaration à RDV 9 sur la chaîne Attessia, le secrétaire général adjoint de l’UGTT, Slaheddine Selmi, a déclaré, vendredi, ne pas être surpris par la décision du FMI de déprogrammer le dossier tunisien, ajoutant que celle-ci s’insère dans une logique implacable.
Jamais une décision du FMI n’a fait autant de bruit comme celle relative au retrait du dossier tunisien de l’ordre du jour de la réunion du FMI, prévu le 19 décembre. Des experts économiques, des politiques et des dirigeants de la Centrale syndicale ont rivalisé de commentaires sur le pourquoi de cette décision, chacun selon la position qu’il entretenait par rapport à ce dossier, tout en considérant que la responsabilité du gouvernement est engagée quant à ce énième contretemps.
Où le gouvernement Bouden a-t-il failli ?
S’il est inutile, du point de vue analytique, de revenir sur les commentaires des uns et des autres, il est, toutefois, nécessaire de préciser, de prime abord, que l’approche discrétionnaire avec laquelle le gouvernement a traité ce dossier, notamment le document des réformes envoyé au FMI, pressentirait les difficultés quant à un accord final.
Cela est d’autant plus envisageable que les dirigeants de l’institution ont insisté sur le fait que le dossier des réformes économiques doit être, au préalable, approuvé par toutes les parties prenantes, acteurs sociaux en substance, un document dont la Centrale syndicale a indiqué ignorer, à ce jour, le contenu.
Pourquoi le gouvernement a-t-il gardé secret le caractère des réformes et n’en a pas dévoilé le contenu à ses partenaires sociaux ? Craignait-il que l’UGTT n’y adhère pas, ce qui pénaliserait les discussions avec les dirigeants du FMI ? Le gouvernement a-t-il agi de la sorte délibérément pour que l’accord soit finalisé le plus tôt possible, et mettre, par la suite, tout le monde devant le fait accompli ? Il n’y avait pas l’ombre d’un doute.
Sauf que le gouvernement a vu faux, d’autant que, sur la question des réformes précisément, le FMI insistait sur le caractère collégial qui devait entourer les discussions pour que l’adhésion soit totale et ne souffre aucune contestation. Bouden et son équipe ont, à notre avis, mal calculé leur coup.
A cela s’ajouterait, le retard accusé dans l’élaboration de la Loi de Finances 2023, en raison, entre autres, des incertitudes entourant les sources de financement extérieures, notamment des prêts bilatéraux de pays du Golfe. Des incertitudes qui, aux yeux du Fonds, compromettraient la mise en application du programme de réformes et discréditeraient les dirigeants du FMI au cas ils approuveraient le programme d’aide à la Tunisie.
Kais Saïed était-il pour quelque chose ?
D’aucuns ont jeté la responsabilité de l’ajournement du dossier tunisien sur le Président de la République quand il a déclaré que les institutions financières (FMI et Agences de notation) n’ont pas à fourrer leur nez dans les réformes et que celles-ci restent du ressort de l’Etat et que leur mise en application doit être souveraine.
Si Kais Saïed n’a pas tort, sur le fond, de dire ça, sur la forme, par contre, le chef de l’exécutif a failli, partant du fait que le langage diplomatique et la façon de finaliser les accords ont leurs raisons que la souveraineté ignore. De plus, à l’heure qu’il est, il n’y a aucune autre alternative à l’aide du FMI, puisque les accords éventuels avec certains pays du Golfe sont suspendus à la finalisation de l’accord avec le Fonds.
L’étau se resserre, aujourd’hui plus qu’hier, sur la Tunisie. Et l’on ne sait pas quelle démarche le gouvernement va-t-il suivre en rapport avec cet ajournement. Faire preuve d’attentisme n’est pas bon conseillère et s’accommoderait d’un acte de concession aux désidératas d’une institution qu’on dit, pourtant, ne plus vouloir se soumettre à ses directives.
Si le Président s’est dit contre la politique des axes, il est, toutefois, grand temps d’en appeler aux « amis » de la Tunisie pour qu’ils pèsent de tout leur poids dans la décision du FMI quant à nous accorder ce vilain crédit.
El là, nous ne pouvons pas ne pas méditer sur les propos émouvants de l’ancien président de l’ITICA, Hamadi Ben Sedrine, qui se rappelle les années fastes (1990-2000) quand le FMI suppliait la Tunisie quant à lui souscrire un crédit pour que les autres pays émergents lui emboîtent le pas. La Tunisie n’avait pas concédé, à l’époque, à leurs supplications.
Autres temps, autres mœurs !