« Le FMI n’est pas le Coran » a dit, le Chef de l’Etat, aux protestataires qui l’ont accueilli à Redeyef mardi dernier, comme pour leur signifier que l’accord de prêt de l’institution de Bretton Woods n’est pas une fatalité.
Je t’aime moi non plus. Le rapport ambivalent que manifeste la Tunisie à l’égard du FMI et, vice versa, celui exprimé par l’institution de Bretton Woods à notre égard, est tout sauf fortuit.
Disons-le sans ambages : aucune partie ne semble vouloir baisser la garde ou infléchir sa position. Le Chef de l’Etat balaie d’un revers de main les réformes imposées par le FMI, celles relatives à la levée des subventions.
Dans le même temps, la Directrice générale de l’institution entretient le flou quant à l’issue des négociations, même si elle argue qu’ « il n’existe pas de grandes divergences entre les deux parties ».
Entre-temps, le défilé des diplomates et autres hauts dirigeants européens continue à Tunis sur fond d’un compromis que tout le monde souhaite mais que personne ne signe !
Qui veut quoi ?
Depuis que le dossier tunisien a pris une dimension européenne, boosté en cela par la question migratoire, Kaïs Saied et le FMI jouent au chat et à la souris. Avec inversion des rôles à chaque fois où l’un des protagonistes gagne une bataille sur le terrain.
Actuellement, il nous semble que le Chef de l’Etat mène aux pointx devant Kristalina Georgieva bien que celle-ci ait plusieurs cordes à son arc. Elle sait que la Tunisie, en besoin urgent de financements extérieurs, ne peut pas patienter davantage et qu’elle finira par infléchir sa position sur la question des réformes.
« Il n’existe pas de grandes divergences entre les deux parties, mais les discussions se concentrent sur les moyens de contrôler les réformes que compte engager la Tunisie », s’est exprimée, vendredi dernier, la Directrice du FMI.
Que pouvons-nous comprendre par « Contrôler les réformes » si ce n’est que le FMI, s’il est prêt à faire des concessions sur la forme, ne le fera pas, par contre, sur le fond. Des réformes desquelles il puise sa légitimité et sa raison d’être.
Pour lui, il n’est pas question que ce petit pays d’Afrique du Nord bouscule l’ordre établi et que ce mouvement soit suivi par les déshérités de tout bord.
L’institution tolèrera, vraisemblablement, que la levée des subventions soit échelonné dans le temps, mais que la Tunisie passera outre cette réforme c’est hors de question. C’est ce que laisse entendre l’argentier du monde.
Les bons offices de l’Italie !
En tout cas, le Président de la République ne lâche pas du lest et il le dit : « Le FMI n’est pas le Coran ».
Mercredi dernier encore, lors d’un entretien téléphonique avec le président du Conseil européen, Charles Michel, le Chef de l’Etat a affirmé que « Les accords de Breton Woods ne sont pas une fatalité et que les conditions imposées ne sont pas acceptables, car leur application, telle que ça était fait en 1984, risque de menacer, aujourd’hui, la paix sociale ».
Le président est-il inébranlable sur la question des réformes ou est-il en train de tester le pouls de ses interlocuteurs pour mieux se positionner ?
Difficile de se prononcer même si, dans un cas comme dans l’autre, il semble donner du fil à retordre à tout le monde. Aux dirigeants étrangers au même titre que ses adversaires à l’intérieur du pays.
Le Joker qu’il joue chaque fois que c’est son tour : c’est le dossier de la migration. Et là, nous avons un soutien, sans faille, qui s’appelle l’Italie.
Décidément, les Subsahariens sont un don du ciel !
Chahir CHAKROUN