TRIBUNE – Honte à nous quand notre regard se pose sur une niquabée et que nous continuons à marmonner écœurés «mala dabouzéte gaz w mala halla».
Honte à nous quand nous évoquons Amina et ses seins «jamais-publiquement nus» et que nous faisons la moue en disant, elle a exagéré.
Honte à nous quand nous écoutons Weld El 15 et que nous nous bouchons les oreilles en un pincement de ses jurons hypocritement dégoûtés.
Honte à nous quand nous regardons la télé et que nous laissons continuer cet animateur jouer de notre émotionnel et nous faire pleurer sur un gosse récemment sodomisé, qu’il ramène avec des parents désemparés puis vite après son effet show passe à un registre de débilité d’une showiste délurée.
Honte à nous quand nous entrevoyons un barbu et que nous ricanons encore «mala hala kamcha kwenjya komej» même après la levée de l’interdit de Ben Ali.
Honte à nous quand nous laissons croupir encore Saber et Jabeur l’un en prison et l’autre loin de ses parents parce qu’ils ont blasphémé et basculé le sacré.
Honte à nous quand nous prêtons encore ouïe à des politiciens nullement engagés qui se soucient peu des volontés de ce pauvre peuple qui a eu le malheur de vouloir un jour rêver à une vie meilleure.
Honte à nous quand nous regardons ces élus se pavaner dans des tenues hors gamme costumes cravates et jebba dernier cri, sauter d’un avion à un autre tous confondus pour autant qu’ils sont et de n’importe quel parti qu’ils prônent pendant que des gosses malheureux continuent à hurler leur colère, leur désillusions et la révolution volée.
Honte à nous quand nous n’ouvrons la bouche pour griffonner derrière nos écrans ces « Free » à la con et ces statuts de mal baisés pour nous dégourdir nos «peu de conscience» et nous en laver.
Honte à nous quand longtemps nous n’avons daigné honorer nos martyrs oubliés, nos blessés longtemps négligés.
Honte à nous lorsque nous n’avons ouvert nos sacrées gueules que lorsque le pain devint juteux à nos yeux pour balayer tel ou tel parti sur des plateaux télé improvisés et des guerres peu vraies.
Honte à nous quand nous n’osions émettre un commentaire sur un @ Ayoub massoudi limogé ou un journaliste citoyen engagé qui a osé attaquer dans le vrai @ Ramzi bettaieb avec sayeb el caméra.
Honte à nous quand nous continuons à roupiller repus et exaltés pendant que d’autres ont perdu leur métier, crament pour nous libérer et faire éclater la vérité.
J’aimerai voir ceux qui critiquent l’abus de pouvoir contre Amina et que les autres soient aussi critiques et dénonciateurs pour ce qu’on a laissé faire contre les salafistes à la cité Ettadhamene.
Les figures changent mais les méthodes sont antiques et pourries. Je veux que notre regard ne soit plus strabique et double un halal et un non, un permis et un scandaleux.
Je veux plus que nos langues se délient juste quand cela devient payant et effet de foule. Je veux plus que ce qui est arrivé un jour à mon fils et aux autres et qu’ils reviennent nous museler définitivement pour regretter à jamais de nous être soulevés.
Il y a des tribunaux pour cela et une justice pour dire son mot même si jusqu’à aujourd’hui, elle continue à être bégayante et aveugle.
Lorsque nous aurons travaillé sur nous mêmes, nous pourrons alors parler de vraie révolution et de travail engagé.
Lilia Bouguira