« Il faudra cent cinquante ans pour réhabiliter le golfe de Gabès », avertit Houcine Rhili, expert en développement et en ressources hydrauliques. Invité ce mardi sur les ondes de Jawhara FM, il a décrit une situation « critique », où les rejets du Groupe chimique tunisien (GCT) continuent de polluer massivement la mer et l’air.
14 000 tonnes de déchets par jour dans la mer
Selon lui, près de 14 000 tonnes de déchets sont déversées chaque jour dans le golfe, tandis que la mer Méditerranée « se renouvelle à peine tous les cent ans ». Un équilibre rompu, qui exige, selon l’expert, le lancement immédiat de « solutions progressives et réalistes » :
« On ne peut pas tout arrêter du jour au lendemain, mais on peut transformer le phosphate différemment. Des techniques plus propres existent, encore faut-il les adopter ».
Gabès, bombe écologique
Les propos de Houcine Rhili surviennent alors que Gabès suffoque à nouveau. Plusieurs élèves du collège Chatt Essalem ont été victimes d’asphyxie à la suite d’une fuite de gaz émanant d’une unité du GCT. Des dizaines d’enfants ont été pris en charge dans les hôpitaux de la région, certains ayant perdu connaissance.
Cet incident, loin d’être isolé, s’ajoute à une série de fuites toxiques ayant provoqué la colère des habitants. Des manifestations et des actes de vandalisme ont visé récemment le siège régional du Groupe chimique, symbole d’un ras-le-bol accumulé depuis des décennies.
Pour Houcine Rhili, la situation dépasse la simple pollution. Il s’agit d’une bombe à retardement qui combine enjeux économiques, sanitaires et sociaux. « Déplacer les habitants n’est pas une solution, car les émanations se propagent sur des kilomètres », a-t-il expliqué, évoquant des problèmes de maintenance et de sécurité « graves », avec des émissions « cinq fois par mois » en moyenne.
Il rappelle que :
« Le GCT ne dispose pas des moyens financiers pour réhabiliter l’ensemble de ses 13 unités industrielles dont 80 % nécessitent une remise à niveau urgente. La déconstruction d’une seule unité coûterait cinq milliards de dinars ».
Face à cette succession d’incidents, le président Kaïs Saïed a convoqué samedi 11 octobre la ministre de l’Industrie Fatma Thabet et le ministre de l’Environnement Habib Abid. Une mission conjointe a été dépêchée à l’usine du GCT afin d’évaluer les dégâts et de proposer des mesures correctives immédiates.
Mais sur le terrain, les habitants parlent déjà d’un « écocide silencieux », dénonçant des promesses non tenues et une injustice environnementale persistante. Pour beaucoup, le golfe de Gabès reste le symbole d’un modèle industriel à bout de souffle, où la mer et la santé publique continuent de payer le prix du phosphate.