Yosri Trigui, ce nom vous est sĂ»rement inconnu ou l’avez-vous dĂ©jĂ entendu, un jour ou l’autre et de loin. Yosri Trigui ou l’histoire d’un jeune Tunisien victime de l’injustice dans un pays qui n’est pas le sien et oubliĂ© des mĂ©dias et de la « solidarité » de ses compatriotes. CondamnĂ© Ă mort par la justice irakienne, sans date prĂ©cise de l’exĂ©cution du jugement, Yosri risque d’ĂŞtre pendu d’un jour Ă l’autre. Yosri Trigui est donc un jeune Tunisien qui, Ă©touffĂ© par la dictature et l’injustice subies par ses frères palestiniens et irakiens, a dĂ©cidĂ© de tout larguer et de se rendre clandestinement en Irak, prendre les armes et combattre au cĂ´tĂ© de ceux qu’il appelait ses « frères d’âmes ». Djihadiste, fou, mais surtout terroriste aux yeux de l’Occident, Yosri faisait partie de ceux dont l’on ose Ă peine parler tant on redoute la rĂ©action des gens. En 2003, âgĂ© de 19 ans, il dĂ©cide de rejoindre la frontière irakienne par la Syrie et rĂ©ussit Ă entrer au pays du Tigre et de l’Euphrate et Ă rejoindre les combattants irakiens luttant contre l’occupant amĂ©ricain.
Il passe ainsi 3 ans Ă se dĂ©placer avec les combattants et Ă dĂ©fendre une nation qui Ă©tait devenue sienne et prend le nom de «Abou Koudama el Tounisi». Mais le 25 mai 2006, les choses basculent pour le jeune homme et son groupe. En tentant de passer un «check point», on leur tire dessus. Tous sont tuĂ©s Ă l’exception de Yosri atteint par neuf balles. Il tombe alors aux mains des AmĂ©ricains et est condamnĂ© Ă mort en dĂ©cembre 2006, alors qu’il Ă©tait dans le coma, pour une sĂ©rie d’actes terroristes. Une peine de mort suspendue dans le pays des deux fleuves, mais qui a Ă©tĂ© approuvĂ©e de nouveau deux mois après la capture de Saddam HusseĂŻn. Les aveux de Yosri Trigui ont Ă©tĂ© obtenus après de longues sĂ©ances de torture, lors des rares moments de conscience du jeune Tunisien, d’après Me Najet Laabidi, chargĂ©e de l’affaire Ă partir de la Tunisie.
RestĂ© entre les mains des AmĂ©ricains, Yosri n’a pas Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© par ces derniers malgrĂ© la sentence. Il semble en effet qu’il y ait des doutes sur la culpabilitĂ© du jeune homme. D’ailleurs, son innocence ne tarde pas ĂŞtre prouvĂ©e. En effet, deux nouveaux Ă©lĂ©ments ont fait leur apparition dans le dossier de Yosri : les aveux de Mahmoud Dahoui, auteur du dynamitage du mausolĂ©e chiite de Samarra, et ceux de Yasser Ali, membre de la police Irakienne et responsable du rapt et du meurtre de la journaliste Atouar Bahjat. Les deux crimes pour lesquels Yosri a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă mort.
On dĂ©crète ainsi son innocence par rapport aux charges qui pèsent contre lui. Une seule, cependant, est gardĂ©e : son entrĂ©e clandestine sur le sol irakien, pour laquelle il est condamnĂ© Ă 15 ans de prison et cĂ©dĂ©, par les AmĂ©ricains, aux autoritĂ©s irakiennes. Ironie du sort, le destin du jeune homme semble scellĂ© au couloir de la mort. La cour irakienne dĂ©cide de refaire un procès et un jugement en cassation est prononcĂ© en fĂ©vrier 2011, reconduisant, ainsi, le premier verdict, soit la peine de mort prononcĂ©e en 2006. Aucune des preuves de l’innocence de Yosri n’a Ă©tĂ© retenue et le jugement a Ă©tĂ© mĂŞme prononcĂ© en son absence et celle de son avocat.
Depuis le jour de l’annonce du jugement, un ultimatum d’un mois et demi a Ă©tĂ© donnĂ© Ă Yosri avant l’exĂ©cution de sa sentence mais aucune date prĂ©cise n’a Ă©tĂ© fixĂ©e.
La pĂ©riode est passĂ©e et Yosri devient donc susceptible d’ĂŞtre pendu d’un jour Ă l’autre. En plus de ne pas pouvoir le voir ou parler avec lui, la famille de Yosri vit alors avec la crainte continuelle de se rĂ©veiller un jour avec la nouvelle de l’exĂ©cution de la sentence. Une Ă©preuve de plus Ă endurer.
Face Ă une justice expĂ©ditive, une justice qui a tout fait pour Ă©touffer l’affaire vue l’implication de membres de la police irakienne dans ces actes, la famille de Yosri, les associations et militants sont plus qu’indignĂ©s.
Amnesty International a mĂŞme lancĂ© un appel urgent pour cette l’affaire. Des sit-in devant l’ambassade d’Irak en Tunisie ont Ă©tĂ© organisĂ©s par la famille et celles d’autres condamnĂ©s tunisiens en Irak.
Des pages et des groupes Facebook ont vu le jour pour soutenir la cause de Yosri. Des lettres Ă l’intention de Jose Luis Rodriguez Zapatero ou Recep Tayyip Erdogan ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ© afin de demander une intervention exceptionnelle pour sauver Yosri.
Lors d’un meeting organisĂ© en Tunisie en Juillet dernier pour soutenir la cause palestinienne, M. Fakher Trigui, père de Yosri, est intervenu pour parler de son fils et lancer un appel au soutient de sa cause. Son plaidoyer demeure l’un de ces appels les plus forts. Un appel pour une mobilisation du peuple tunisien et un soutien dans ce long combat pour sauver son fils d’une injustice Ă©touffante.
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CitĂ© Ă demi-mot dans certains des mĂ©dias tunisiens, Yosri continue Ă subir les consĂ©quences de l’Ă©tiquette de «terroriste djihadiste», alors qu’il a Ă©tĂ© innocentĂ©, en premier lieu, de toutes les charges contre lui. En juillet dernier, Ă travers un communiquĂ© rendu public, le ministre de la Justice tunisien Lazhar Karoui Chebbi a prĂ©cisĂ© qu’il Ă©tait intervenu auprès de son homologue irakien Hassan Al Shammar et que le dossier de Yosri a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© au prĂ©sident de la RĂ©publique irakienne pour la libĂ©ration du jeune Tunisien. Mais aucune suite n’a Ă©tĂ© donnĂ©e de la part du gouvernement tunisien Ă ce jour. Ce « je-m’en-foutisme » commence Ă peser lourd sur la famille Trigui. Une famille qui redoute, chaque jour, que la peine capitale soit exĂ©cutĂ©e et qui cherche par tous les moyens Ă faire rĂ©agir le gouvernement actuel, mais surtout les Tunisiens pour un mouvement de masse pour la libertĂ© de Yosri.
