Les premiers résultats du recensement général de la population et de l’habitat de 2024, dévoilés samedi dernier par l’Institut national de la statistique (INS), tracent un portrait actualisé, mais contrasté, de la Tunisie : une population en légère croissance, de plus en plus âgée, concentrée sur le littoral et marquée par des inégalités régionales profondes.
Invité ce lundi 19 mai sur les ondes de Midi Show, Abdelkader Talhaoui, ingénieur à l’INS, est revenu sur les principaux enseignements de ce recensement, qui s’est appuyé sur un taux de réponse exceptionnel de plus de 98%, fruit d’un an de travail minutieux sur le terrain.
Une croissance démographique qui s’essouffle
Entre 2014 et 2024, la population tunisienne est passée de 10.982.754 à 11.972.169 habitants, soit une augmentation d’environ un million de personnes en dix ans. Un chiffre modeste, qui reflète un ralentissement net de la croissance démographique : celle-ci, qui culminait à 2,48% à la fin des années 1950, est désormais tombée sous la barre de 1%, un niveau historiquement bas depuis l’indépendance.
Ce déclin s’explique notamment par les politiques de planification familiale, une baisse de la fécondité, et un recul de la natalité dans un contexte économique et social difficile.
Une société vieillissante
La Tunisie vieillit. Le recensement montre une progression rapide de la part des personnes âgées : 13% des Tunisiens ont désormais plus de 60 ans, contre seulement 6% en 1984. Si cette évolution est le signe d’un allongement de l’espérance de vie et d’une amélioration des conditions sanitaires, elle pose également de nouveaux défis économiques et sociaux, notamment en matière de retraite, de santé et de prise en charge de la dépendance.
Une structure familiale en mutation
Autre transformation majeure : la taille moyenne des ménages ne cesse de diminuer. De 5,5 personnes en 1975, elle est passée à 4,05 en 2014, puis à 3,45 en 2024. Une tendance qui reflète l’évolution des modes de vie, l’urbanisation croissante, la baisse du taux de mariage et une montée de l’individualisme.
Des disparités régionales marquées
Le recensement confirme aussi les fortes disparités régionales en matière de peuplement. La majorité de la population est concentrée sur la côte orientale du pays, notamment dans le Grand Tunis, Sfax et Sousse. À l’inverse, les gouvernorats de l’intérieur – Kébili, Tataouine, Tozeur, Siliana – restent faiblement peuplés et connaissent même une stagnation, voire une baisse démographique.
Cette répartition inégale alimente les déséquilibres économiques et sociaux déjà existants, et souligne l’urgence d’une politique d’aménagement du territoire plus équitable.
Une photographie sociale précieuse
Enfin, Abdelkader Talhaoui a rappelé que ce recensement ne se limite pas à un simple comptage de la population. Il permet également de dresser un portrait détaillé de la société tunisienne, incluant des données sur la scolarisation, l’emploi, les conditions de logement et la mobilité. Des indicateurs cruciaux pour orienter les politiques publiques dans un pays en pleine mutation démographique.