Alors que l’Observatoire national de l’agriculture (ONAGRI) se félicite d’un taux de remplissage de 38,32% des barrages suite aux récentes précipitations, une voix discordante vient briser l’optimisme ambiant.
L’experte en ressources hydriques et en adaptation aux changements climatiques, Raoudha Guefrache, alerte sur une lecture trop simpliste – voire trompeuse – des chiffres.
« Ce que nous stockons n’est qu’une infime partie de ce qui tombe du ciel. Le reste… s’évapore », affirme-t-elle.
Selon elle, entre 50 et 60% des précipitations s’évaporent avant même d’atteindre les réservoirs, en raison du réchauffement climatique et de l’effet de serre. Résultat : seules 10% des pluies récentes ont réellement profité au remplissage des barrages.
Des pluies « bénéfiques »… mais sans effet réel
Guefrache rappelle que si les régions du Centre-est ont connu une hausse spectaculaire des précipitations – atteignant 159% des moyennes habituelles -, cela ne se traduit pas pour autant par une amélioration concrète de la situation hydrique.
« Tant que ces pluies n’atteignent pas les barrages ni n’irriguent les terres, il est trompeur de parler de pluies bénéfiques », déplore-t-elle.
En mars, les précipitations n’ont représenté que 23% des moyennes normales. En février, la situation était à peine meilleure, avec 35% des volumes habituellement enregistrés dans les barrages.
Une efficacité de stockage en chute libre
Le constat est sévère : la capacité réelle des barrages à retenir l’eau diminue de jour en jour. Alors qu’ils pouvaient autrefois absorber des flux de pluie de près de 300 mètres cubes, ils n’en captent aujourd’hui qu’à peine 20 à 30%.
En cause : l’envasement, les pertes en ligne, les infiltrations et l’inefficience du système global de collecte. À cela s’ajoutent la hausse continue des températures et l’irrégularité croissante des précipitations, deux conséquences directes du changement climatique.
Guefrache appelle à un changement radical de paradigme : « Il est urgent de cesser de prendre les chiffres bruts pour des vérités. L’eau qui tombe ne reste pas. Entre l’évaporation, l’absorption par les sols et les infiltrations, ce que nous stockons réellement est bien moindre. »
Vers une refonte de la gestion hydrique ?
Alors que la Tunisie entre dans une 6e année consécutive de stress hydrique sévère, il serait temps de revoir en profondeur les méthodes de collecte, de stockage et de gestion de l’eau, selon plusieurs experts.
Selon les dernières données publiées par l’Observatoire national de l’agriculture (ONAGRI), le taux global de remplissage a atteint 38,32% au 28 avril 2025, contre 36,5% le 16 avril. Le volume total des ressources stockées dans les barrages s’élève désormais à 907,47 millions de mètres cubes, contre 865,3 millions deux semaines plus tôt.