D’un côté, des chirurgiens qui repoussent les limites de la médecine, des prouesses qui font la fierté du pays. De l’autre, des hôpitaux où il faut apporter ses draps, ses gants et parfois même… sa propre bétadine. La Tunisie brille sur la scène médicale mais, dans ses couloirs d’hôpitaux, la réalité est tout autre.
Clinique Pasteur, Clinique Avicenne : des temples du soin haut de gamme où l’on pratique la chirurgie cardiaque et oncologique avec des équipements dernier cri. À quelques kilomètres de là, La Rabta et Charles Nicolle, eux, continuent d’écrire l’histoire médicale avec des moyens dérisoires. En 2019, La Rabta innovait en chirurgie cardiovasculaire. En 2025, c’est encore elle qui réalisait une première en ablation de fibrillation auriculaire sur un patient porteur d’un cœur artificiel, ou encore une intervention fœtale in utero. L’hôpital militaire de Tunis, Habib Bourguiba à Sfax, eux aussi, accomplissent des miracles. Mais derrière ces exploits, un système à bout de souffle. (Pour en savoir plus sur ces prouesses, voir les liens similaires sous l’article)
Chaque mois, une prouesse… mais à quel prix ?
Chaque mois, une nouvelle réussite médicale fait la une, relayée en fanfare par les services de santé (ndlr : et nous aussi, Webdo, nous les relayons avec fierté). Mais entre ces titres glorieux, qui se souvient du quotidien des malades ? Ceux qui passent des heures sur des bancs cassés, faute de lits. Ceux qui doivent quémander des médicaments introuvables. Ceux dont les familles doivent combler les lacunes d’un hôpital qui manque de tout… sauf de talents.
Une simple fiche de rendez-vous datant d’août 2023 et partagée hier sur Facebook a tout dit : pour se faire soigner à La Rabta, il faut venir avec ses propres fournitures. Draps, gants, antiseptiques, engagement à donner du sang. Que ce document ressurgisse aujourd’hui témoigne d’une situation figée, où les mêmes pénuries persistent. Quand l’État ne fournit plus l’essentiel, que reste-t-il ? Ce document n’est que la partie visible d’un naufrage. Derrière les portes des hôpitaux, on découvre l’envers du décor : des familles qui improvisent des soins, des patients qui attendent des heures, des soignants qui bricolent avec trois fois rien.
Construire du neuf… mais sauver l’existant ?
Le 18 mars 2025, Sarra Zaafrani Zenzri, alors ministre de l’Équipement, était reçue par Kaïs Saïed pour parler d’hôpitaux. Deux jours plus tard, la voilà cheffe du gouvernement. Au menu : un accord avec le Fonds koweïtien pour bâtir des hôpitaux à Jélma, Hafouz, Makthar et Ghardimaou. Le pays a besoin d’infrastructures, personne ne dira le contraire. Mais pendant qu’on pose des premières pierres, qui s’occupera de ceux qui souffrent dans des salles d’attente bondées, sans même une bouteille d’eau potable ?