D’après les derniers rapports économiques de 2011, l’Arabie Saoudite, le Koweït, les Emirats arabes unis et le Qatar (10% seulement des habitants du monde arabe) engrangent des richesses de leur sous-sol, bon an mal an, de 1300 milliards de dollars.
Doha occupe le hit parade du PIB sur le plan mondial avec 100.000 dollars de revenus par individu, suivi d’Abou Dhabi avec 57.000 dollars. La moyenne du PIB dans cette région arabe pétrolière du Golfe est de 40.000 dollars. La richesse de la presqu’île arabique, qui honore le verbe avoir, nous dit-on, a été multipliée, durant les trois dernières décennies, par 600 fois.
En face, des pays comme l’Egypte, la Syrie, le Maroc, la Jordanie ou la Tunisie, englués depuis leur indépendance dans des problèmes de sous-investissement, n’ont réussi à attirer de cette manne émiratie que la modique somme de 100 milliards de dollars pendant les dernières décades. Alors que l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique ont bénéficié de plus de 2000 milliards de dollars en guise de placements et d’achat de bons de trésor.
La finance ignore l’idéalité des principes. Les « salamecs ». Les effusions. Les professions de foi. C’est là une réalité dépouillée de ses apparences et affabulations. La carte du monde de la géopolitique réelle, avec ses rapports de force et ses luttes d’influence.
Pour nos frères du Golfe, on ne badine pas avec les affaires. La solidarité inter-arabe a ses limites. Devant les intérêts endurants des riches. Trempés depuis des lustres dans la logique de l’utilitaire. De l’immédiat. De la corbeille. De la sélection. Du gain. Du mercantilisme. Des rapports de force.
Ce qui doit inciter nos gouvernants à revoir leur copie, à se rendre compte de l’inanité d’une opération de charme en Arabie, pour qui, le Printemps arabe doit demeurer sous contrôle. Confiné. Assujetti. Domestiqué. Apprivoisé. Englué dans le traitement des affaires courantes. Afin que le riche demeure riche et le pauvre continuer à être pauvre.
Eh ! Oui, le monde n’est plus le royaume de Dieu, mais un champ de bataille. Depuis l’intrusion des rapports marchands dans les relations humaines.
Pourtant, l’Histoire nous mord la nuque. Le Yémen, un pays limitrophe des cheikhs, n’arrive pas à apitoyer ses riches voisins sur son triste sort. Que dire de la lointaine Tunisie maghrébine ? Apparemment, nos gouvernants n’ont pas encore saisi la réalité d’un monde brutal, ultra concurrentiel. Dévoyé par la finance. Caractérisé par la compétition. La mobilité. La cupidité.
En fait, personne ne peut bâtir à la place des Tunisiens le pont qu’il leur faudra franchir sur le long fleuve de la vie. Déjà coincé entre deux Etats pétroliers, le peuple initiateur de la révolte arabe et ses élites, « traverseurs » de frontières, gagneraient à se positionner comme des compétiteurs vigoureux dans leur environnement immédiat, à méditer sur un modèle de développement solidaire et intégré, à mieux mener la gouvernance démocratique à bon port et à gérer la diversité des opinions d’une manière policée.
Imededdine Boulaâba