En réponse à la demande de Kaies Saied au secteur privé de soutenir l’effort de l’Etat, certaines banques de la place se sont portées volontaires pour remettre en état des édifices usés par le temps. Or, pour que cette action ne soit pas circonstancielle, elle doit se transformer en partenariat public-privé, autrement dit gagnant-gagnant.
L’investissement est le moteur de la croissance, nous renseignent les manuels économiques. Or, pour que cette action atteigne l’efficacité requise, elle doit sortir du cadre restreint de la conceptualisation.
A notre humble avis, l’investissement n’est pas uniquement une question d’argent, autrement tous les agents qui ont une capacité de financement auraient investi, et tous ceux qui n’ont pas cette capacité auraient rechigné à le faire.
Nous croyons, pertinemment, qu’investir, c’est surtout une mentalité et une pratique, et sans cette conviction l’action risque de capoter.
Partenariat-gagnant-gagnant !
Ce qu’a entrepris la BIAT est fort significatif à cet égard. La banque a pris à sa charge le financement des travaux de réfection de la piscine du Belvédère – fermée depuis une quarantaine d’années – ainsi que les espaces environnants.
La BIAT s’est également engagée à restaurer et à rénover le Centre Culturel Ibn Khaldoun à Tunis et à soutenir les élèves et lycéens issus de zones défavorisées afin d’améliorer leurs conditions de scolarité. La banque s’est également engagée à entreprendre la mise en place d’un dispositif d’accompagnement à la création de sociétés communautaires.
Quand bien même louable, cette initiative – parce qu’elle est circonstancielle – est appelée à perdre, à notre avis, de sa rigueur une fois que les intentions l’ayant motivée disparaissent ou qu’elles subissent l’usure du temps.
Nos établissements bancaires investissent, sans doute, dans toutes sortes de projets quels qu’ils soient. C’est là, la fonction principale de toute banque d’investissement, et un pan non négligeable des activités des banques commerciales. Encore faut-il que l’action d’investir génère des profits aux banques.
Ces dernières ne peuvent pas se muer indéfiniment en mécènes même si elles gagnent beaucoup d’argent. De l’autre côté, l’Etat ne doit pas rester à la merci des aides des entreprises privées même s’il manque d’argent.
Le parrainage, pourquoi pas ?
Comment faire en sorte que cette mobilisation de la part des entreprises privées devienne à la fois pérenne et rentable et pour l’Etat et pour les sociétés ? Si et seulement si elle prend une forme de partenariat dont les que les procédures et les conditions seraient établies et fixées par les deux parties.
A quoi sert de rénover la piscine du Belvédère pour qu’elle redevienne désuète dans quelques années ? Ne serait-il pas opportun que l’Etat cède l’exploitation de cet édifice à la banque qui l’a rénové, tout en gardant le statut juridique qui caractérise ce bâtiment public.
Avec également un droit de regard sur le mode d’exploitation de la piscine, entre autres les tarifs d’accès au public, que ce soit pour les manifestations sportives ou pour les galas si jamais cette opportunité s’avère rentable. Il en va de même pour la distribution des recettes découlant de ces activités lucratives
Et si cela s’avérera fructueux, pourquoi ne pas étendre cette expérience aux installations sportives dans les quatre coins de la République. Attribuer le nom d’une marque ou d’une société marraine à une enceinte sportive – le naming ou nommage – est une pratique de parrainage qui est très en vogue dans le monde.
Pourquoi ne pas songer à ce mode de parrainage qui a le double but et d’améliorer nos infrastructures sportives, en majorité délabrées, et de générer de l’argent aux clubs qui sont endettés jusqu’au coup ?
Vous allez nous dire que la législation ne le permet pas. Mais une législation doit épouser son temps.
Chahir CHAKROUN (Tunis-Hebdo du 26/02/2024)