En lançant son appel, lundi 12 février, aux banques privées pour plus d’implication dans le soutien de l’économie nationale, le président Kais Saied ne s’imaginait pas que l’une d’entre elles, et des plus puissantes, allait s’exécuter au quart de tour.
Lundi, le Chef de l’Etat convoque un représentant des banques privées tunisiennes en la personne de Neji Ghandri, président du conseil bancaire et financier (CBF), pour lui formuler des doléances.
Kais Saied souhaite une implication plus concrète des banques dans le soutien de l’économie nationale. Cela peut se manifester par des crédits accordés à des conditions avantageuses au profit des citoyens ou par la réalisation de projets nationaux.
Le plus grand établissement bancaire du pays s’est aussitôt exécuté. La Banque Internationale Arabe de Tunisie (BIAT) a réagi rapidement à cet appel en publiant quelques heures plus-tard un communiqué énonçant les engagements nouveaux de la BIAT à la lumière de l’appel du président.
La banque indique dans un communiqué publié en marge d’une rencontre entre le président de la République et le membre du Conseil d’Administration de la banque en charge des relations avec les autorités publiques, Mohamed Agrebi, s’être engagée à travers les membres de son conseil d’administration, à piloter la réalisation de plusieurs projets nationaux et à mettre en place des mesures en ligne avec la politique du Chef de l’Etat.
Cette rapidité de réaction ouvre la porte à beaucoup de supputations sans pour autant mésestimer les efforts financiers qui vont être déployés par la banque. Sauf que l’opportunisme de la BIAT est pointé du doigt sachant que le Groupe Mabrouk (38,59%) est majoritaire au sein du Conseil d’administration de la BIAT.
Marouane Mabrouk en toile de fond ?
Et qui dit Groupe Mabrouk dit Marouane Mabrouk. Arrêté le 7 novembre 2023, l’homme d’affaires est actuellement en détention pour suspicion de blanchiment d’argent.
Rappelons que Marouane Mabrouk faisait partie des personnes considérées comme appartenant au clan Ben Ali. Ses biens avaient été gelés au lendemain de la révolution par l’Union européenne, qui avait levé le gel sur ses biens en Europe en 2019 suite à une demande du gouvernement tunisien.
Rappelons également que la vague d’arrestations qui a ciblé des hommes d’affaires, dont des proches de la famille Ben Ali, a ouvert la voie à une nouvelle phase judiciaire caractérisée par des libérations sous cautions aux proportions financières considérables.
Le dernier épisode en date remonte au 20 décembre 2023, lorsque le juge d’instruction près le Tribunal de première instance de Tunis, a ordonné la libération d’Abderrahim Zouari sous condition du paiement d’une caution colossale de 18 millions de dinars.
Marouane Mabrouk, qualifié de « l’homme aux 3000 milliards » par l’une des magistrates de la Commission nationale de conciliation pénale, comme cela a été cité par Jeune Afrique, est indéniablement au centre des engagements de la BIAT tels que cités dans leur communiqué.
Est-ce une manœuvre pour intégrer pleinement le cas de Marouane Mabrouk dans le circuit de la conciliation pénale ? Est-ce un moyen d’entrer dans les petits souliers de Kais Saied en faisant preuve d’une exemplarité à toute épreuve ?
Cependant, dans les cercles financiers, certains observateurs estiment que la récente manœuvre de la BIAT vise davantage à protéger les intérêts de la banque elle-même. Son communiqué semble principalement être une stratégie de communication préventive.
Engagements sociétaux et financement de l’économie
Quoi qu’il en soit, cet opportunisme dont a fait preuve la BIAT pour les raisons dont elle seule a le secret impose aux autres banques d’emprunter la même voie.
Signalons que la BIAT s’est engagée à restaurer totalement la piscine municipale du Belvédère ainsi que ses annexes. Par le passé, cette piscine en état de délabrement a fait l’objet d’une visite de Kais Saied.
La BIAT s’est également engagée à restaurer et rénover le Centre Culturel Ibn Khaldoun à Tunis ; à soutenir élèves et lycéens issus de zones désignées par les autorités compétentes afin d’améliorer leurs conditions de scolarité.
La banque s’est également engagée à entreprendre la mise en place d’un dispositif d’accompagnement à la création de sociétés communautaires, etc…