Après les explications du ministre de l’Intérieur, Taoufik Charefeddine, qui a tenu, hier, une conférence de presse pour revenir sur les circonstances de l’arrestation et d’assignation à résidence du leader d’Ennahdha Noureddine Bhiri, c’est au tour de la justice de s’exprimer sur la question.
Le ministère public près le tribunal de première instance de Tunis, a publié un communiqué, relayé par l’agence TAP, dans lequel « il se dit étonné des déclarations données par le ministre de L’intérieur ».
Ce dernier a, en effet critiqué la lenteur des procédures au sujet de l’obtention, illicitement, par un couple syrien, de documents d’identité tunisiens alors que Noureddine Bhiri était ministre de la Justice.
Certificat de nationalité
Le service de communication au Tribunal de première instance de Tunis affirme, que « le parquet suit avec tout le sérieux requis, ce dossier, conformément aux procédures légales décidées dans l’affaire en question et évoque l’ouverture, d’une enquête dans un délai qui n’a pas dépassé quatre jours de la date de la réception d’un rapport complémentaire émis par la Direction de recherches dans les crimes terroristes, les crimes organisées et les crimes touchant à la sécurité du territoire national ».
Il cite l’article 16 du code des procédures pénales qui stipule que « les officiers de police judiciaire sont toujours dessaisis (de l’affaire) dès que le procureur de la République, son substitut ou le juge d’instruction se saisissent de l’affaire. Ils doivent leur remettre sur le champ l’inculpé ainsi que les procès-verbaux et les pièces à conviction ».
Le bureau de communication indique que le parquet a reçu, le 7 octobre 2021, une demande d’ouverture d’une enquête émise par le président de la direction de Recherches dans les crimes terroristes sur la livraison, par la direction générale des services judiciaires au sein du ministère de tutelle, d’un certificat de nationalité tunisienne à un couple syrien détenteur du passeport tunisien (remis en 1982 et 1984 par l’ambassade de Tunisie à Vienne).
Enquête en cours
Il précise que le 9 décembre, le ministère public a reçu un rapport du président de la Direction de Recherches contenant les résultats des premières investigations qui se limitent à des correspondances entre les parties administratives intervenantes.
Le 20 décembre, le ministère public a ensuite reçu un rapport complémentaire contenant de nouvelles informations concernant des soupçons de falsification des deux certificats de nationalité délivrés au couple syrien lorsque Noureddine Bhiri était encore ministre de la Justice et Ali Laarayedh, ministre de l’Intérieur.
En ce qui concerne les passeports et les cartes de séjour, la même source précise qu’ils ont été délivrés après l’intervention d’un sécuritaire Fethi Beldi, également arrêté et assigné à résidence.
Le 22 décembre dernier, le ministère public a décidé de confier l’affaire au pole judiciaire de lutte contre le terrorisme, qui a ouvert une enquête sur les personnes ayant bénéficié de documents falsifiés et toutes les parties impliquées dans ce trafic, le 24 décembre 2021.
Hier, le ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine a tenu à préciser que les assignations à résidence ciblant l’ancien ministre de la Justice, Noureddine Bhiri ainsi que le conseiller de l’ancien ministre de l’Intérieur Ali Laarayedh, sont conformes à la loi et concernent une enquête en cours sur des documents d’identité délivrés illégalement.
Soupçons de terrorisme
Il a précisé que ces arrestations sont motivées par de véritables soupçons de terrorisme et de corruption relatifs à la délivrance de certificats de nationalité tunisienne, de passeports et d’extraits de naissance d’une manière illégale. Et d’annoncer qu’au cours de la dernière période, des mouvements suspects ont été observés et qu’il était impératif de prendre ces décisions.
Le ministre a également expliqué qu’il a averti le ministère public mais que ce processus avait été entravé.
Bhiri en grève de la faim
L’ancien ministre de la Justice, Noureddine Bhiri a été abordé, vendredi dernier, par des personnes en tenue civile, qui l’ont interpellé alors qu’il sortait de chez lui accompagné de son épouse Saida Akermi.
Une plainte pour enlèvement et séquestration a été déposée suite à ce que son épouse a qualifié d’opération de kidnapping dont a été victime son mari. Elle a même accusé le président de la République Kais Saied d’être à l’origine de cette arrestation.
De son côté, le mouvement Ennahdha a dénoncé une politique de règlement de compte hors du cadre juridique et « l’enlèvement » de son vice-président et réclamant « sa libération immédiate ».
Noureddine Bhiri a été placé en résidence surveillée et le ministère de l’Intérieur a expliqué que cette assignation à résidence avait été émise, conformément à la loi réglementant l’état d’urgence, et ce « afin de préserver la sécurité et l’ordre publics ».
Dans la soirée de dimanche 2 janvier 2022, Noureddine Bhiri dont l’état de santé s’est détérioré, a été transféré à l’hôpital Habib Bougatfa à Bizerte. Il a entamé une grève de la faim et refuse désormais de prendre ses médicaments.
Samir Dilou a, par ailleurs, confirmé qu’une plainte pour enlèvement a été déposée auprès du ministère public. cette plainte vise le président de la République, Kais Saied, et le ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine.