Le mois de Ramadan, période de jeûne et de spiritualité pour des millions de Tunisiens, met également à l’épreuve les mécanismes du travail dans les institutions publiques.
La récente visite de contrôle du ministre de l’Emploi, Riadh Choued, au sein de son ministère, a révélé une problématique bien plus profonde que de simples absences ou départs prématurés : une question récurrente de gestion des ressources humaines et d’efficience administrative.
En constatant les irrégularités dans les horaires de présence, l’utilisation défaillante de la plateforme électronique de suivi et les manquements dans la gestion des ressources humaines, le ministre a mis le doigt sur une lacune structurelle dans l’organisation du travail au sein de l’administration publique tunisienne.
Ce problème n’est pas nouveau, mais la crise de la gestion des présences en période de Ramadan soulève des interrogations cruciales sur la gouvernance administrative et la réactivité des responsables politiques.
Les absences non justifiées et les départs prématurés observés au ministère de l’Emploi sont symptomatiques d’un mal qui touche bien au-delà de ce seul secteur. Ces irrégularités révèlent un manque de rigueur dans le suivi et la régulation des horaires de travail.
Le problème est moins une question de respect des horaires pendant le mois de Ramadan qu’un manque de contrôle et de responsabilité structurelle. Si un tel constat peut être interprété comme une simple conséquence des habitudes pendant le Ramadan, il n’en demeure pas moins que cela met en lumière une défaillance dans les mécanismes de supervision au sein des administrations publiques tunisiennes.
Le retard accumulé en matière de mise en place d’outils de suivi modernes, tels que la plateforme électronique de présence, met également en exergue le retard technologique des institutions tunisiennes.
Si les technologies de l’information et de la communication sont aujourd’hui des leviers incontournables pour améliorer la gestion des administrations publiques, leur adoption reste encore timide et mal appliquée. Le constat de défaillance de la plateforme n’est donc pas une simple erreur technique : il reflète une culture de lenteur et de procrastination qui compromet la modernisation du secteur public.
Dans le cadre de cette visite, les mesures disciplinaires adoptées par le ministre soulignent un point fondamental : la responsabilité des cadres. Ceux-ci sont appelés à rendre des comptes pour les absences et les manquements de leurs subordonnés, ce qui est tout à fait légitime.
Cependant, il est essentiel de se poser la question de la pertinence de ces responsabilités. Si ces cadres sont responsables des actions de leurs équipes, quelle est leur marge de manœuvre pour éviter ces situations ?
Loin de résoudre le problème, une telle responsabilité renforce un système où la faute est systématiquement attribuée aux acteurs de terrain sans que les racines structurelles de l’inefficacité ne soient remises en question.
Les cadres eux-mêmes sont souvent pris dans un tourbillon administratif où la rigidité des procédures et l’inefficacité des outils de travail réduisent leur capacité à agir de manière proactive. Leur responsabilité doit être vue dans un cadre global, où les politiques de gestion des ressources humaines et les outils de suivi du personnel sont mis à leur disposition pour une gestion efficace et moderne.
Une réforme en profondeur est nécessaire pour éviter la mise en place de mesures disciplinaires superficielles qui ne régleront pas les problèmes de fond.
Cette situation ne se limite pas à une simple question de gestion des horaires pendant le Ramadan. Elle soulève une réflexion plus large sur la gouvernance publique et les mécanismes de suivi et de contrôle. Si des changements législatifs et administratifs peuvent être imposés pour réguler les horaires de travail, la véritable question est celle de la mise en place d’une véritable gestion de la performance et de l’efficacité au sein de l’administration.
Il devient impératif de repenser l’organisation du travail en s’appuyant sur des outils modernes de gestion, qui permettent un contrôle en temps réel des présences, une meilleure réactivité aux problèmes et une évaluation régulière des performances des employés.
L’inefficacité administrative a des répercussions directes sur le service public et sur la confiance des citoyens envers leurs institutions. Le manque de professionnalisme dans la gestion des ressources humaines, couplé à une absence de suivi rigoureux, nuit à l’image de l’administration et génère un climat de méfiance.
Les citoyens attendent des services publics qu’ils soient à la fois réactifs et efficaces, surtout en période de pression ou de demandes accrues, comme c’est le cas pendant le Ramadan. Les déficiences observées au ministère de l’Emploi ne sont donc pas qu’une simple question interne à résoudre, mais un défi pour l’ensemble du système administratif.
Les observations faites par le ministre de l’Emploi, bien que révélatrices d’une problématique spécifique à un ministère, sont symptomatiques d’un problème plus vaste dans le secteur public tunisien. Si les mesures administratives et disciplinaires sont nécessaires pour rétablir un certain ordre, elles ne suffiront pas à résoudre le fond du problème.
Ce dernier réside dans l’incapacité du système à se moderniser, à s’adapter à l’ère numérique et à garantir une gestion plus transparente et plus réactive. La révision du modèle de gouvernance et la mise en place de réformes structurelles dans l’administration publique tunisienne sont plus que jamais urgentes.
Un véritable changement de mentalité et de pratiques administratives est indispensable pour garantir la confiance des citoyens et l’efficacité des services publics.