Le drame survenu à Mazzouna, où trois lycéens ont trouvé la mort après l’effondrement d’un mur vétuste, révèle l’état alarmant de l’infrastructure scolaire en Tunisie. Alors que plus de 4500 établissements nécessitent des travaux urgents, la Fédération de l’enseignement secondaire appelle à une journée de deuil et de protestation, accusant l’État d’abandon et d’irresponsabilité. Un tragique symbole de l’effondrement d’un service public essentiel.
Trois morts. Trois élèves à peine majeurs, écrasés par un mur lézardé dans un lycée de Mazzouna. Ce drame n’est pas une tragédie isolée, c’est le cri silencieux d’une école en ruine, d’un système abandonné, d’une jeunesse sacrifiée.
Ce mardi 15 avril, les cours sont suspendus dans tous les lycées et collèges du pays. Un arrêt collectif, un deuil national à l’appel de la Fédération générale de l’enseignement secondaire. Mais cette suspension dépasse l’hommage : elle est une accusation. Une dénonciation du désengagement chronique des autorités, de leur inaction face à la dégradation alarmante des infrastructures scolaires, de leur incapacité à garantir un droit fondamental : apprendre en sécurité.
A Mazzouna, ce ne sont pas les vents ni les séismes qui ont tué ces enfants. Ce sont quarante années de négligence. Ce sont des murs construits en 1983, jamais rénovés, jamais surveillés. Et ce sont surtout des avertissements ignorés : en 2022 déjà, la Cour des comptes alertait sur l’existence de 1300 établissements à « risque structurel réel ». Rien n’a été fait.
Le président de la République, Kais Saied, a exprimé sa douleur et ordonné l’ouverture d’une enquête, exigeant un audit national des écoles et des sanctions. Il faudrait plus qu’un audit pour redonner à l’école publique sa dignité. Il faut un plan de sauvetage. Il faut une volonté politique claire, structurée, constante. Il faut, surtout, en finir avec le bricolage.
Car les chiffres sont glaçants : 4500 établissements sur 6102 nécessitent des interventions urgentes. Des milliers d’élèves étudient dans des bâtiments sans eau, sans électricité, parfois même sans clôtures. Dans les régions rurales, aller à l’école devient une épreuve physique, morale, parfois mortelle.
Le ministère de l’Éducation n’est pas innocent. Son chef, Noureddine Nouri, visitait Sidi Bouzid une semaine avant le drame, sans constater – ou sans dénoncer – l’état de délabrement des lieux. En novembre dernier, il promettait des rénovations dans le cadre d’un budget pourtant en hausse. Promesses restées lettre morte, comme trop souvent.
Ce qui s’est passé à Mazzouna est plus qu’un accident. C’est un signal d’alarme, un point de rupture. L’école tunisienne est en péril. Elle n’a plus besoin de discours ou de diagnostics. Elle a besoin d’actes, de rénovations concrètes, d’une réinvention du service public éducatif. Et elle a besoin, avant tout, qu’on cesse d’attendre que d’autres enfants meurent pour qu’on se réveille.