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Un patient hospitalisé sur 15 est touché par une infection associée aux soins (c’est-à-dire une infection contractée lors du séjour à l’hôpital), indiquent les premiers résultats d’une Enquête nationale de prévalence des infections associées aux soins publiés hier jeudi 7 août par le ministère de la Santé.
Ces infections, aussi appelées infections nosocomiales, « constituent un problème majeur de santé publique du fait de leur ampleur, de leur gravité et le coût supplémentaire qu’elles engendrent », avertit le ministère de la Santé.
L’étude, menée en novembre et décembre 2012, et dont les résultats ont été validés en juin 2014, a été réalisée dans 144 établissements de santé publics et privés, et a porté sur 8 649 patients.
Les infections recensées, qui sont présentes autant dans le public que dans le privé, sont principalement les infections de l’appareil respiratoire (25,7%), de l’appareil urinaire (22,3%) et du sang (14,8%).
Des mesures de prévention « inefficaces » ou « mal respectées »
« C’est la première fois qu’une enquête de grande envergure est menée en Tunisie sur le sujet », indique le professeur Nissaf Ben Alaya, directrice de la veille sanitaire à l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes et coordinatrice nationale de l’étude.
Une précédente enquête avait été réalisée en 2005, mais elle portait surtout sur le secteur public. Le taux de patients infectés était alors le même qu’aujourd’hui : 6,6%, soit une personne hospitalisée sur 15.
« Malgré les mesures de lutte mises en places depuis quelques dizaines années, nous en sommes au même niveau de prévalence : c’est alarmant », s’inquiète le professeur Ben Alaya. « Cela signifie soit que les mesures de lutte mises en place sont inefficaces, soit qu’elles ont été mal respectées. »
À titre de comparaison, le taux de prévalence des infections liées aux soins est de 5,5% en France (un patient sur 20), et la moyenne européenne est de 5,7%, variant entre 4,5 et 16,4%. « On se situe dans la même situation que la plupart des pays industrialisés », indique Nissaf Ben Alaya.
Pas assez de lavage des mains et trop d’antibiotiques
Pour le professeur Ben Alaya, « le problème majeur est avant tout le lavage des mains ». « Ça reste un maillon faible, que ce soit dans les institutions publiques ou privées », explique-t-elle.
« Mais le manque d’équipement joue aussi un rôle », ajoute la coordinatrice nationale de l’étude. Il faut pouvoir stériliser et désinfecter le matériel, changer les draps, etc. »
« Le deuxième problème soulevé dans cette étude, poursuit Nissaf Ben Alaya, est celui de la trop grande utilisation des antibiotiques. C’est la première fois que nous disposons d’une bonne documentation sur le sujet, et la résistance des nouveaux germes aux antibiotiques devient alarmante. »
Les antibiotiques sont en effet nécessaires pour soigner certaines infections, notamment les infections nosocomiales, et une utilisation abusive et non adaptée de ces médicaments provoque au fil du temps une résistance aux germes qui rend les antibiotiques inefficaces au moment où on en a réellement besoin.
« Nous devons agir contre ce fléau de la prescription abusive d’antibiotiques », le professeur Ben Alaya, se désolant du fait que « les pharmacies de ville fournissent des antibiotiques sans ordonnance » et que « les médecins prescrivent des antibiotiques à la moindre fièvre, souvent à la demande expresse des patients ».
« Cette étude, dont les analyses plus détaillées seront publiées dans les prochains jours, va donc nous permettre de réactiver la lutte contre les infections nosocomiales, en sensibilisant les médecins et en renforçant les formations », conclut Nissaf Ben Alaya.