Chaque année, à l’approche des fortes chaleurs, le ministère de la Santé tunisien renouvelle ses mises en garde : éviter l’exposition directe entre 11 h et 16 h, s’hydrater régulièrement, porter des vêtements légers, et surtout, utiliser une crème solaire adaptée.
Mais malgré cette répétition méthodique, les comportements évoluent peu. Dix ans de rappels n’ont pas suffi à installer une véritable culture de la prévention solaire.
En 2015, le ministère sonnait une première alerte médiatisée : un écran solaire commercialisé sous le nom Trio S soin photoprotecteur préventif s’avérait être une contrefaçon dangereuse. Le produit, vendu hors circuit légal, exposait ses utilisateurs à de graves risques cutanés.
Ce scandale posait déjà une question essentielle : comment protéger sa peau si la protection elle-même est falsifiée ?
Trois ans plus tard, en 2018, l’approche devient pédagogique. Avec la campagne « Celui qui t’aime te protège », la Société tunisienne de dermatologie, soutenue par le ministère, tente de sensibiliser le public aux risques liés aux UV. Dépliants, dépistages gratuits, présence sur les plages : l’initiative est saluée, mais son effet reste limité.
Entre 2019 et 2020, les vagues de chaleur amplifient les appels à la vigilance. Les recommandations deviennent presque rituelles : éviter les heures chaudes, boire de l’eau, protéger les nourrissons et les personnes âgées. Mais chaque été ramène son lot de coups de soleil et de déshydratations, preuve que l’alerte se dilue dans l’habitude.
En 2025, le constat se durcit. Le ministère ne se contente plus d’appeler à la prudence : il dénonce la prolifération d’écrans solaires non conformes, vendus sur le marché parallèle ou en ligne, souvent inefficaces, voire nocifs. Certaines crèmes contiennent des filtres chimiques controversés, comme l’oxybenzone ou l’octocrylène.
Face à cela, les autorités recommandent les produits à base de filtres minéraux (oxyde de zinc ou dioxyde de titane), en insistant sur la nécessité de lire les étiquettes, respecter les dates de péremption, et réappliquer toutes les deux heures.
Mais ces messages de santé publique peinent à s’imposer. En Tunisie, comme ailleurs, le soleil reste associé à la liberté, à l’été, au plaisir. Le risque, lui, semble abstrait — jusqu’au moment où il ne l’est plus.