Alors que plus de 4 500 médecins ont quitté la Tunisie en moins d’une décennie, les professionnels restés sur place élèvent la voix. L’exode s’accélère, la contestation aussi. Face à un système de santé en crise, les syndicats multiplient les mobilisations, dénonçant une dégradation généralisée des conditions de travail.
Entre 2017 et 2021, environ 3 100 médecins ont quitté le pays. En 2024, ils étaient 1 450 à faire leurs valises, selon Rym Ghachem Attia, présidente du Conseil national de l’Ordre des médecins. Les destinations les plus prisées : la France, l’Allemagne, l’Arabie saoudite ou le Qatar. Offres alléchantes, salaires attractifs, conditions dignes — tout ce qui manque au secteur public tunisien.
Dans les hôpitaux, la situation est critique : équipements vétustes, surcharge administrative, salaires stagnants, insécurité dans les services. Le fossé se creuse, notamment dans les régions de l’intérieur, désertées par les spécialistes.
Face à cette hémorragie, le ras-le-bol s’organise. Le Syndicat général des médecins, pharmaciens et dentistes hospitalo-universitaires a annoncé une pétition de démission collective, un acte fort en solidarité avec les praticiens condamnés dans l’affaire des « nouveaux-nés », et en réaction à une justice accusée d’ignorer la réalité du terrain hospitalier.
En réponse, le syndicat des médecins hospitalo-universitaires a lancé hier 21 avril une pétition de démission collective qui pourrait recueillir près de 2000 signatures.
Parallèlement, l’Organisation Tunisienne des Jeunes Médecins a déclenché une grève nationale, hier aussi. À l’ordre du jour : revalorisation des bourses, paiement des heures de garde, meilleures perspectives professionnelles. Les internes et résidents dénoncent une précarité structurelle, incompatible avec les exigences de leur mission.
Et pourtant, en 2024, alors que le gouvernement multiplie les promesses pour améliorer les conditions de travail des soignants, une étude de l’Institut tunisien d’études stratégiques apporte un signal encourageant : 75 % des médecins exerçant à l’étranger souhaitent revenir en Tunisie. Le ministre de la Santé, Mustapha Ferjani, annonce des incitations et des réformes à venir. Mais sur le terrain, les syndicats réclament des mesures concrètes, pas des engagements à répétition.
« Huit départs sur dix concernent de jeunes praticiens », alerte Nizar Ladhari, secrétaire général de l’Ordre des médecins. Une génération entière s’éloigne, dans un silence institutionnel que les mouvements de grève veulent désormais briser.