Les experts sont tous d’accord pour dire, à des degrés différents, que la situation économique du pays est inquiétante.
Pour l’expert en économie, Abdeljalil Bedoui, la Tunisie est au bord de la faillite. Mercredi, il intervenait sur les ondes de Jawhara fm pour expliquer cette crise que traverse le pays et apporter son lot de solutions.
M. Bedoui estime, en effet, que « les politiques mises en place jusqu’à présent pour relancer l’économie, ont échouées ». Selon lui, il faut changer la monnaie et décréter l’état d’alerte économique » pour parvenir à sortir de la crise.
Mais est-ce vraiment la solution ?
D’après l’universitaire, Montacer Ben Cheikh, Maître de conférences des universités, changer la monnaie reste une mesure dangereuse et inefficace.
« La Tunisie n’est pas dans le cas de figure des pays de la zone euro qui ont changé leur ancienne monnaie nationale pour adopter l’euro. Et elle n’est pas dans le cas de figure de pays, frappés par l’hyperinflation et qui ont dû changer leur monnaie. A titre d’exemple, le Venezuela a connu une hyperinflation qui a frôlé les 1.000.000% (un million pour cent). La Tunisie n’en n’est pas là…
Toutefois, tous les pays qui ont changé leur monnaie ont connu une forte inflation (la France quand elle est passée des anciens francs aux nouveaux francs ou tous les pays de la zone euro après l’introduction de la monnaie unique ».
« Mais attention, le changement de la monnaie est une opération très coûteuse financièrement et dangereuse. Cette mesure est dangereuse parce qu’en prenant le risque de changer la monnaie, celle-ci risque de perdre son caractère fiduciaire.
La monnaie émise par la banque centrale est dite fiduciaire (de fiducia en latin qui signifie confiance). Pourquoi accepte-t-on des euros ou des dollars ? Parce qu’on sait que ces monnaies ne perdront pas leur valeur. On a confiance dans ces billets de banque.
Si les Tunisiens perdent confiance en leur monnaie, elle perdra sa valeur. Cela signifie que les actifs perdront de leurs valeurs. Les conséquences sont terribles puisqu’un bien immobilier qui vaut, aujourd’hui 1 million de dinars ne vaudra plus que 100 mille dinars.
De plus, un changement des billets et des pièces ne peut en aucun cas se faire en moins de six mois. Six mois pendant lesquels la valeur des actifs chutera dangereusement. »
M. Montacer Ben Cheikh nous explique qu’un changement de la monnaie n’est en aucun cas un moyen efficace pour mettre un terme à la contrebande.
« Les contrebandiers ont beaucoup de devises étrangères. Ils ont, par ailleurs, acquis beaucoup de biens. Enfin, ils ont acheté de l’or. Changer la monnaie ne mettra pas fin à la contrebande. Les contrebandiers recommenceront leurs trafics avec les nouveaux billets. Ce sont les citoyens ordinaires qui paieront très cher une telle mesure.
Pour combattre la contrebande, il faut s’attaquer aux racines et aux raisons de la contrebande. L’économie tunisienne, est la cause de la contrebande. Notre économie est fondée sur des monopoles familiaux. Or, un monopole fait payer les tarifs les plus chers et emploie moins que n’importe quelle autre structure de marché.
Il créé donc le chômage et la cherté de la vie ! Cherté des biens et chômage poussent à la contrebande. Ce qui est vendu par le supermarché à 100 dinars est bradé par les contrebandiers à 60 dinars tout au plus.
Maintenant, si vous forcez les marchés à devenir réellement concurrentiels, alors les prix baisseront ne laissant plus que de faibles marges aux contrebandiers. Ces derniers seront face au dilemme suivant : les risques qu’ils prendront sont-ils toujours à la hauteur des revenus qu’ils se feront ? »