Amnesty International a publié, ce mercredi 10 novembre 2021, un communiqué dans lequel elle fait part de son inquiétude par rapport à la hausse du nombre de civils poursuivis par les tribunaux militaires en raison de leurs critiques au président de la République, Kais Saied.
« En Tunisie, les tribunaux militaires ciblent de plus en plus les civils, dans certains cas au motif qu’ils critiquent publiquement le président Kais Saied depuis qu’il s’est arrogé des pouvoirs très étendus le 25 juillet », a déclaré Amnesty International.
« Au cours des trois derniers mois seulement, la justice militaire a mené des enquêtes ou engagé des poursuites pour diverses infractions dans au moins 10 affaires concernant des civils », ajoute l’ONG.
Amnesty International met en lumière quatre cas dans lesquels des civils ont été traduits devant la justice militaire simplement pour avoir critiqué le président : il s’agit de l’animateur de télévision Amer Ayad, des députés Abdellatif Aloui et Yassine Ayari, et du blogueur Slim Jebali.
« (…) En Tunisie, le nombre de civils traduits devant la justice militaire augmente à un rythme inquiétant : au cours des trois derniers mois seulement, ils sont plus nombreux dans ce cas qu’au cours des 10 dernières années », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Dans quatre affaires, des civils sont visés par une procédure judiciaire devant la justice militaire uniquement pour avoir exprimé pacifiquement des opinions critiques à l’égard du gouvernement (…) », ajoute-t-elle.
Entre 2011 et 2018, les organisations de défense des droits humains ont recensé au moins six cas de civils poursuivis devant la justice militaire ; ce nombre a été dépassé au cours des trois derniers mois seulement, note Amnesty International.
Parmi les civils actuellement visés par une procédure judiciaire militaire, figurent six députés de la Coalition Al Karama, dont Abdellatif Aloui, ainsi que l’avocat Mehdi Zagrouba.
« Le Code de justice militaire tunisien permet à la justice militaire de juger des civils dans des circonstances précises. L’article 91 prévoit des peines d’emprisonnement pour les militaires ou les civils qui se livrent à des actes publics portant atteinte au drapeau ou à l’armée, ou critiquent l’action du commandement supérieur ou des responsables de l’armée ou sapent leur dignité.
Aux termes du droit tunisien, le président a le contrôle final sur la nomination des juges et des procureurs au sein de la justice militaire, en s’appuyant sur les nominations faites par les ministres de la Défense et de la Justice. Aussi les tribunaux militaires pèchent-ils par manque d’indépendance.
Aux termes du droit international relatif aux droits humains, les civils ne devraient jamais être traduits devant des instances militaires, quelles que soient les accusations portées contre eux », indique l’ONG.