Quand un investisseur étranger souhaite investir ou délocaliser son affaire, généralement, il se réfère à deux types de stratégie. Il peut aborder un site d’investissement en privilégiant le pays d’accueil sur toute autre considération. Le pays étant choisi souvent en raison de sa proximité géoéconomique, mais aussi de la qualité du dispositif règlementaire voir du régime politique, économique et social. Ce n’est qu’ensuite qu’il portera son attention sur le site à proprement parler pour en examiner l’infrastructure et autres facilités, y compris la disponibilité et la qualification de la main-d’œuvre. C’est l’approche du Top down, littéralement « du haut vers le bas ».
Cette stratégie connue comme étant favorisée par les investisseurs japonais, jouant les risques souverains, a permis l’amorce du développement de beaucoup de pays émergents. La Tunisie en a souvent profité et nous avons pu maintes fois sortir sur le marché obligataire international pour emprunter au Japon du yen et ainsi réaliser, sous leur bienveillante expérience et transferts technologiques, des projets comme le fameux pont de la Goulette-Rades.
La deuxième approche d’investissement, c’est celle du Botom up. L’investisseur veut d’abord prendre connaissance du lieu spécifique d’investissement (par exemple une zone industrielle donnée) et vérifier que toutes les garanties d’investissement et de développement y sont réunies en faveur de la réalisation fructueuse de son projet. Ici le cadre du pays est une préoccupation secondaire et l’investissement peut se faire, même dans un régime antidémocratique pourvu que la stabilité soit garantie. Le Chili sous Pinochet en était le prototype et les Américains y investissaient en masse.
En choisissant de s’implanter en Tunisie l’équipementier Latecoère, principal fournisseur d’Airbus avait trouvé en Tunisie, voici une quinzaine d’années, un pays sous un pouvoir ne permettant pas tout à fait de dire que la dictature y était naissante. Il faut en effet reconnaître que les conditions d’attrait n’étaient pas négligeables, alors que les zones industrielles se mettaient progressivement en place.
Après la Révolution, la situation a amorcé une période chaotique qui pouvait ne plus convenir à certains investisseurs qui, n’ayant que faire du pays, cherchaient d’abord à garantir leur appareil de production. Les moins attachés ont plié bagages ou sont allés ailleurs, n’acceptant plus de s’engager dans un contexte de sit-in à répétition.
Il faut cependant savoir que la France, l’Allemagne et l’Italie représentent à eux seuls la quasi-totalité des IDE installés ici. Or, malgré la transition que vit la Tunisie, ces trois pays ont globalement continué à nous faire confiance et ont tendu la main à toutes les gouvernances qui se sont succédé à la tête de la nouvelle république, avec l’idée que la Tunisie, premier pays du Sud de la Méditerranée à aborder une expérience démocratique, a toutes les chances de jouer à moyen et long terme, dans le contexte d’un rapprochement euro-méditerranéen un rôle de premier plan d’intégration des deux rives. Cette vision des choses, semble l’emporter sur celle à court terme qui a fait s’évacuer les entreprises ne pouvant supporter un risque supérieur à un certain degré de tolérance.
Reçu par Riadh Bettaieb, le ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, François Bertrand, président du directoire du groupe Latécoère, a confirmé qu’il n’a aucune intention de réduire son activité en Tunisie au profit du Mexique, quand bien même il serait très préoccupé par la situation, en particulier au niveau de l’instabilité et des perturbations. F. Bertrand a même confirmé que son groupe veut continuer à renforcer ses activités en Tunisie, qu’il a recruté 300 personnes l’année dernière, dont il est très fier, affirmant que les implantations en Amérique latine n’ont rien à voir avec ce que son groupe fait pour le développement de ses activités en Tunisie, contrairement à cette information qui a circulé sur le web concernant « une possible délocalisation au Mexique du groupe présent en Tunisie depuis 14 ans. Le groupe qui emploie actuellement 900 Tunisiens envisage même de recruter 200 autres Tunisiens courant 2012. Il faut savoir que le groupe, présent chez nous depuis 1998, a implanté deux sites de production dans la zone industrielle de Charguia et à Fouchana.