Depuis l’intronisation d’Ali Laarayedh comme chef de gouvernement, il semble qu’une mini trêve entre l’opposition et l’exécutif vient d’être instaurée d’un commun accord. L’actuel locataire de la Kasbah semble, en effet, bénéficier ce qu’on appelle communément «l’état de grâce», cette période fixée conventionnellement à 100 jours dans quelques démocraties et durant laquelle, le nouveau gouvernement peut avoir les coudées franches pour prendre des dispositions d’envergure notamment à propos des questions jugées d’ordre prioritaire.
Depuis l’entrée en fonction de monsieur Laarayedh, l’opposition a mis quelque peu en sourdine son attitude «critique à tout va» tandis que le nouveau gouvernement fait preuve de plus de discrétion et de retenue médiatique relativement au travail qu’il entreprend.
En effet, le rythme des apparitions médiatiques des ministres semble beaucoup moins soutenu qu’avant, le temps plus mesuré, la petite phrase plus ou moins bannie (sauf pour monsieur Abdeltif Mekki) et la technicité dans le propos favorisée par rapport à des discours à la tonalité plus politicienne.
Cette nouvelle ambiance plus apaisée semble, d’une part, être le fait de la méthode Laarayedh, ce dernier privilégiant l’action plutôt que la parlotte «tout azimut» et d’autre part par son tempérament de type bosseur sérieux et studieux. Quant à l’opposition, bien que toujours vigilante et jouant son rôle critique, cette dernière semble plus affairée à rassembler ses effectifs et à peaufiner programmes, alliances et stratégies en vue des prochaines échéances électorales.
Seul ombre au tableau, l’incontrôlable président de la République qui voit d’un mauvais œil cette trêve. Attitude étrange de sa part, surtout si l’on considère qu’il avait maintes fois réclamé cette trêve de ses vœux. Mais attitude tout à fait compréhensible si l’on prend en considération le fait qu’un paysage politique configuré autour de deux partis ou de trois partis (Ennahdha / Nidaa Tounes) ou (Ennahdha / Nidaa Tounes / Front Populaire) le ferait automatiquement sortir du jeu politique er rendrait sa réélection une entreprise quasi impossible.
En effet, l’hôte de Carthage ayant laissé toutes ses plumes, ses effectifs et ses soutiens consécutivement à l’éclatement en mille morceaux de son parti et de son groupe parlementaire, il ne se trouve point dans une situation lui permettant de rivaliser avec les désormais galactiques «Ennahdha» et «Nidaa Tounes» et le parti montant du paysage politique tunisien à savoir le Front Populaire.
Ce nouveau climat, on va dire à peu près serein du moins entre les composantes politiques du paysage politique (la société civile restant à juste titre en ébullition), n’est pas pour arranger les calculs de monsieur Marzouki qui se trouve pour l’instant minoré dans l’opinion et qui ne peut plus prétendre faire la synthèse entre la gauche et la droite, ses derniers propos ayant clivé jusqu’à dans son propre rang.
Vous l’aurez donc compris, maintenir le statu quo et retarder au maximum les futures échéances électorales étant le seul moyen de sauver sa peau, monsieur Marzouki ne manquera d’user de tous les moyens en sa possession pour flinguer cette fragile trêve… en rallumant la guerre autour du thème de l’identité ou en actionnant le bouton LPR…
Nouveau gouvernement et nouvelle méthode, état de grâce, mini trêve, les partis de l’opposition comme le parti Ennahda commencent à penser aux futures échéances électorales… La page «crêpage de chignons», systématique à l’ANC ou sur les plateaux TV semble avoir été tournée (du moins pour une période donnée)… A moins que les cycles d’apparitions-disparitions de l’épouvantail salafiste reprennent de nouveau ou que la stratégie de Marzouki de remettre de l’huile sur le feu du débat national finit par réussir.
Reste une chose, cette trêve sera, à coup sûr, rompue si le gouvernement Laarayedh se montre incapable de lever définitivement le voile sur les commanditaires et les exécutants de l’assassinat du martyr Belaid… Là, incontestablement la hache de guerre sera déterrée et la tension politique n’en reviendra que plus grande. Wait and see…