Au sujet de sa lettre aux démocrates du pays, publiée le 15 courant dans les médias, Emna Mnif a accepté de nous éclairer sur les messages qu’elle véhicule et les solutions qu’elle envisage pour réajuster le processus transitionnel et le conduire vers une véritable démocratie.
Elle reproche à l’opposition démocrate le fait de ne pas avoir tiré les enseignements de son échec lors des dernières élections en continuant à ignorer les attentes et les ambitions des Tunisiens et à se laisser piéger par le discours de la majorité au pouvoir. Elle considère que le programme des partis qui forment l’opposition démocratique est dénué de soubassement doctrinal et leur discours est limité à des répliques et des contre-attaques sans le moindre égard à la spécificité culturelle et aux singularités contextuelles qui se sont cristallisées au sortir de la révolution. Selon Emna Mnif, les Tunisiens réunis autour des mêmes valeurs identitaires sont désarçonnés par la prestation squelettique d’une opposition qui se soucie de sa position sur l’échiquier national et est incapable de satisfaire aux aspirations du peuple axées sur la liberté, de dignité et le bien-être. Ces idéaux ne sont plausibles que par la mobilisation des formations politiques qui y croient et y souscrivent et l’appui de la société civile qui malgré la limite des moyens et les embûches a été jusque-là à la hauteur de son rôle.
À l’inverse, l’opposition censée contrecarrer les tentations de retour en arrière et les projets antirévolutionnaires s’est enlisée dans des conflits de leadership en prévision des futures échéances politiques. Au lieu de se rassembler sur la base d’un projet fédérateur, de consentir des concessions à la faveur d’une unité sacrée et de resserrer les rangs pour s’imposer en tant que force politique agissante, elle s’est fractionnée en mini-formations croyant pouvoir atteindre ses objectifs en se tournant le dos les uns aux autres. Cette attitude de leur part est à l’avantage du parti majoritaire au pouvoir qui détient intrinsèquement deux atouts ; le fait qu’il soit bien structuré et bien implanté sur l’ensemble du territoire et le fait qu’il soit aux commandes et donc en mesure de profiter de sa position à la tête de l’exécutif pour gagner davantage de terrain. Au rythme où évolue la situation. Emna Mnif met en garde contre le spectre de l’autoritarisme et les dangers du totalitarisme. Elle propose les services de la société civile qui est la mieux à même de rectifier le tir.
Abordant la question salafiste qui ne paraît pas l’inquiéter outre mesure, notre interlocutrice considère que la montée recrudescente de cette mouvance extrémiste est la résultante de la dégradation de l’environnement culturel suscitée par la médiocrité promue par le dictateur déchu. Elle pense que la meilleure façon d’éradiquer ce danger est la sensibilisation, l’encadrement et la réhabilitation du facteur culturel. À propos du refoulement des deux prédicateurs marocains pour implication dans des actes terroristes, Emna Mnif a déclaré qu’il est encore prématuré d’en déduire un revirement quelconque dans la politique du gouvernement.
Concernant enfin sa plainte contre le journal Al Massa et le journaliste auteur de la diffamation perpétrée à son encontre, elle a expliqué encore une fois que ce journal n’est pas digne de respect pour user d’un droit de réponse et qu’elle s’est suffise à la saisine du tribunal compétent qui devait se prononcer sur l’affaire à l’audience du 12 juin prochain. Pour Emna Mnif, l’accusation est si flagrante qu’elle ne peut pas admettre un classement sans suite. Le cas échéant, elle sera acculée d’agir au-delà du souverainisme duquel elle se réclame et de faire recours à la justice internationale pour faire valoir ses droits. Il s’agit pour elle d’une question de principe avant d’être une affaire de dignité.