Abdelfattah Mourou a accordé une interview au journal Echorouk d’Algérie. Au cours de cet entretien le vice-président d’Ennahdha est revenu sur l’actualité de la Tunisie et du monde arabe et a évoqué la nécessité d’une prise de conscience collective pour dépasser l’étape épineuse que vit le monde musulman.
Abdelfattah Mourou reconnait les difficultés que connait le gouvernement tunisien actuel. Il explique ces difficultés par la désobéissance civile de certains citoyens, les barrages sauvages sur les routes, les sit-in. Il estime que le peuple n’est pas encore mûr, comme le démontre la multitude de grève au cours de l’année (plus de 12.000 selon Cheikh Mourou).
«La demande populaire doit prendre en considération les moyens de l’Etat» déclare-t-il. Il décèle dans ces sit-in et grèves une tentative de faire échouer le gouvernement. Il souligne qu’Ennahdha, même si ce parti est le responsable actuel au sein du gouvernement, n’est pas pour autant responsable de la sécheresse qui touche les caisses de l’Etat.
Abdelfattah Mourou estime que le slogan, apparu dans les années 70, «l’Islam est la solution» est vide de tout sens. Selon lui, l’essentiel est de trouver les solutions dans la religion en prenant compte les contraintes de l’époque et du lieu. Il se désole du manque de compréhension de certains, des textes religieux.
«Ennahdha n’est pas capable, en ce moment,
d’appliquer un programme politique»
Cependant Cheikh Mourou loue le progressisme d’Ennahdha, qui a su mettre en avant une modèle moderne compatible avec notre ère, au risque de vivre des dissensions avec les frères musulmans d’Orient et du Maghreb, qui n’acceptaient pas d’évoquer les libertés de conscience, les libertés fondamentales, la démocratie. «Ils n’ont pas su absorber ses principes qu’après un certain temps» affirme-t-il.
Il estime qu’Ennahdha n’est pas capable, en ce moment, d’appliquer un programme politique mais qu’elle en est réduite à répondre aux préoccupations ponctuelles de la population et liquider l’héritage des régimes précédents.
Abdelfattah Mourou a condamné l’ingérence de Rached Ghannouchi dans la compétition électorale algérienne en soutenant le candidat du MSD. «Parler de la politique algérienne depuis la Tunisie est considéré comme une atteinte à la dignité du peuple algérien. Si Rached Ghannouchi a vraiment tenu ses propos, il est en tort», déclare-t-il.
«Rached Ghannouchi devra démissionner
s’il n’arrive pas à maitriser ceux qui l’entourent»
Toutefois, il nie tout conflit interne avec le chef d’Ennahdha, affirmant n’avoir aucun problème personnel avec Rached Ghannouchi mais que le problème existe avec ceux qui se trouvent en dehors du gouvernement et qui gouvernent et émettent des ordres. Il refuse cependant de communiquer les noms de ceux qu’il met en cause. D’après lui Rached Ghannouchi devra démissionner s’il n’arrive pas à maitriser ceux qui l’entourent.
Cheikh Mourou affirme aussi ne pas avoir l’intention de démissionner d’un mouvement dont il est l’un des fondateurs et refuse toutes les lectures autour de lui relatant une scission au sein d’Ennahdha dont il serait l’instigateur.
Quant à la tenue des élections en Tunisie, il estime qu’elles n’auront pas lieu à la date fixée (fin 2013), en raison de la profondeur des désaccords entre les formations politiques et les retards dans la rédaction de la Constitution et qu’Ennahdha ne sera pas autant populaire lors des prochaines élections et qu’elle ne récoltera pas plus de 20% des voix.