«Les archives de la Présidence démontrent que Moncef Marzouki est l’un des principaux militants à avoir fait face à la dictature !». C’est ce qu’on peut lire à la page 285 du «livre noir» censé éclairer l’opinion publique en reproduisant la liste des journalistes qui étaient au service de la dictature, les actes qui leurs sont reprochés et éventuellement les responsabilités qu’ils pourraient encourir.
En s’adonnant à cette auto-apologie digne de César, le président provisoire Moncef Marzouki donne raison à ceux qui considèrent que le but recherché n’a rien à voir avec les intentions déclarées. Il ne s’agit pas d’une contribution, au demeurant maladroite, à la manifestation de la vérité. Car si tel était le souci du Président, il aurait pu mettre les archives de la présidence à la disposition du ministère des Droits de l’homme et de la justice transitionnelle plutôt que d’empiéter sur ses compétences.
Il ne s’agit pas seulement de régler des comptes avec les médias qui critiquent la prestation du président et sa façon de gérer les affaires de l’Etat dans la limite des quelques attributions qui lui sont conférées. La liste reproduite comprend pas moins de 500 noms !
Il s’agit, d’après un certain nombre d’observateurs, d’une démarche propagandiste en prévision des prochaines élections ou plus exactement, une campagne électorale prématurée. Et au moment où toute la classe politique devait se mobiliser et redoubler d’efforts pour faire réussir le dialogue national et reprendre la phase de transition, le président de la République trouve le temps de fouiller dans les archives qui sont à sa disposition, de les analyser et de les présenter au public dans un ouvrage dédié.
Pour revenir à la page 285 du livre, il est curieux qu’un intellectuel et écrivain de la trempe de Moncef Marzouki se jette des fleurs en se considérant qu’il est l’un des principaux militants à avoir tenu tête à la dictature. Même Bourguiba qui consacrait une partie de ses discours fleuves à rappeler son passé militant ne l’a pas fait de cette façon. Des fidèles, à l’instar de Mohamed Sayah, ancien ministre de l’Equipement, se chargeaient de le faire sans parvenir à convaincre malgré le concours déterminant de Bourguiba dans la lutte anticoloniale.
Sous le règne du dictateur, les «qaffafa» l’avaient fait sans conviction aucune. Et sous l’actuel président, personne ne l’a encore fait. Moncef Marzoouki aurait-il choisi de le faire à travers son «livre noir», en l’absence d’un apologue volontaire ?