Un kilo d’escargots coûte-t-il vraiment moins cher qu’un kilo de viande ? C’est ce qu’affirme Associated Press dans un article récent, présentant les gastéropodes comme une alternative économique à la viande rouge en Tunisie et intitulé « In Tunisia, snails inch toward replacing red meat as people turn to cheaper protein ». Mais à y regarder de plus près, cette conclusion est tout simplement fausse.
Sur les marchés tunisiens, le kilo d’escargots se négocie à environ 25 dinars pour les escargots Helix Aspersa. Un chiffre bien inférieur aux 55 dinars nécessaires pour un kilo de viande de bœuf. L’affaire semble entendue ? Pas si vite. Nous avons contacté Achraf Saadi, CEO de Esca’Rome, entreprise tunisienne sociale spécialisée dans l’élevage et la valorisation d’escargots.
Ce que l’agence américaine oublie de préciser, c’est que ce prix inclut la coquille, qui représente près de 80 % du poids total, sans compter les étapes de décoquillage, de netoyage et de mise en boîte. Résultat : pour obtenir un kilo de chair d’escargot, il faut acheter près de cinq kilos d’escargots entiers. L’addition grimpe alors jusqu’à 250 dinars, soit cinq fois le prix de la viande rouge, nous précise Achraf Saadi.
Et ce n’est pas la seule erreur. AP suppose que l’escargot remplace directement la viande dans l’alimentation des Tunisiens. Or, les escargots ne sont pas un substitut, mais un aliment complémentaire, souvent consommé en soupe ou en ragoût.
Pire encore, sur le plan nutritionnel, un kilo de viande de bœuf apporte environ 2 500 calories, contre seulement 800 pour la chair d’escargot. L’idée d’un remplacement direct est donc aussi absurde que de comparer un steak à une poignée de crevettes.
Alors pourquoi AP a-t-elle commis une telle erreur ? Parce qu’elle a voulu voir dans la crise tunisienne une histoire simpliste : celle d’un peuple contraint de se rabattre sur les escargots faute de viande.
Mais la réalité est plus amère : si les escargots gagnent du terrain, ce n’est pas parce qu’ils sont abordables, mais parce que la viande rouge devient inabordable. Loin d’être une solution, ils sont le symptôme d’une économie où l’on compte chaque sou… jusqu’à traquer des gastéropodes dans les champs.