Comme l’ont prévu la majorité des juristes et avocats de la place, le tribunal de première instance de Tunis a rejeté, dans sa décision du 13 novembre 2012, la demande intentée par l’avocat Maître Fathi Laâyouni contre les deux députés de l’Assemblée Nationale Constituante, messieurs Ahmed Khakhoussi et Mohamed Brahimi.
Mais contre toute attente, l’argument du tribunal a été l’irrecevabilité de l’affaire pour incompétence d’attribution. Le tribunal estime, en effet, que cette affaire est du ressort de la juridiction administrative.
Seulement, voilà, le tribunal administratif, en vertu de la loi du 1er juin 1972, est compétent pour statuer sur les demandes d’annulation des actes administratifs pour excès de pouvoir alors que le retrait de la qualité de député n’est pas prévu dans un texte légal.
Selon la loi du 1er juin 1972, il y a excès de pouvoir lorsque l’administration prend une décision qui ne fait pas partie de ses attributions ou prend une décision contraire à la réglementation. Ainsi, l’affaire introduite par Maître Laâyouni n’a rien à voir avec une décision administrative sujette à annulation.
Maître Laâyouni a expliqué son recours par le fait que le but des députés concernés par la grève était de faire pression sur la justice et neutraliser le principe de la séparation des pouvoirs. D’après l’avocat, une grève de la faim peut être déclenchée par un citoyen ordinaire, mais ne peut pas être le fait d’un député élu pour concourir à l’élaboration de la constitution, voter des lois et contrôler l’activité gouvernementale.
Dans la loi constituante du 11 décembre 2011 relative à l’organisation provisoire des pouvoirs (mini-constitution), aucune disposition n’est prévue concernant la destitution du député. La seule hypothèse prévue dans ce cadre figure dans l’article 8 de la loi.
Aux termes de cet article, aucun élu ne peut être poursuivi ou arrêté pour délit ou crime sans que son immunité ne soit levée par l’Assemblée. De surcroît, une grève de la faim n’est pas une faute civile qui justifie des recours judiciaires.
Il est à noter que Maître Laâyouni a déposé, par ailleurs une plainte contre les députés qui ont rejoint Nidaa Tounes pour abus de confiance ; contre l’artiste Lotfi Abdelli pour attentat à la pudeur ; et contre l’ISIE pour mauvaise gestion.
Toutes ces affaires sont en cours d’instruction. La plupart des observateurs, hommes de loi et politiques s’impatientent de connaître la position des tribunaux à leur sujet. Les uns par curiosité, les autres par principe.