Dans une interview accordée à l’agence TAP, Jean-Luc Revéreault, représentant de la Banque européenne d’investissement (BEI) en Tunisie, a confirmé la volonté de son institution d’accompagner le pays sur plusieurs fronts stratégiques. Qu’il s’agisse de renforcer la compétitivité des PME, de moderniser les réseaux ferroviaires ou d’optimiser la gestion de l’eau et de l’énergie, la BEI se dit prête à financer des projets structurants. À une condition : être sollicitée officiellement par les autorités tunisiennes.
« Nous sommes prêts à financer, mais c’est au gouvernement tunisien de solliciter ces projets », insiste Jean-Luc Revéreault.
Énergie : sobriété d’abord, attractivité ensuite
Premier axe prioritaire pour la BEI : l’efficacité énergétique. Face à la pression sur les ressources et au coût élevé des importations, la banque plaide pour des investissements massifs dans la sobriété énergétique, au même titre que dans les renouvelables.
Un projet est en cours de négociation avec les autorités tunisiennes. Objectif : permettre au pays d’économiser ses ressources, tout en améliorant son attractivité auprès d’investisseurs énergivores, comme les data centers.
« On sous-estime trop souvent les gains liés à l’économie d’énergie, alors qu’ils sont aussi décisifs que la production elle-même », note Revéreault.
La BEI travaille également sur des projets d’infrastructure énergétique : liaison électrique Tunisie-Italie (cofinancée par l’UE à hauteur de 307 M€), modernisation des réseaux, et stockage par pompage à Tabarka.
Eau potable : limiter les pertes, prioriser les villes sensibles
Autre chantier critique : la lutte contre la déperdition d’eau potable. En collaboration avec la SONEDE, la BEI envisage un vaste programme de modernisation des réseaux de distribution, incluant l’installation de compteurs intelligents.
Ce projet vise en priorité les zones desservies par des usines de dessalement, où la moindre fuite représente une double perte – technique et financière.
Les études sont prêtes, et les projections de rentabilité sont solides. Il ne manque que l’activation politique.
Mobilité : relancer le rail, désenclaver les régions
La BEI est également engagée dans un dialogue avec la SNCFT autour d’un projet de réhabilitation des lignes ferroviaires abandonnées et d’amélioration de celles en service.
L’objectif : renforcer la mobilité interrégionale, fluidifier le transport de marchandises, et soutenir la transition vers des modes de transport moins polluants.
La banque participe déjà au financement de plusieurs infrastructures : le RFR, le TGM, les routes GP13 et RR27… mais estime que le rail reste un levier sous-exploité pour la relance économique.
PME tunisiennes : un appui conditionné à la compétitivité
Si la BEI s’engage à hauteur de 170 millions d’euros pour soutenir les PME et entreprises de taille intermédiaire, elle souligne que le principal frein à leur internationalisation n’est pas l’accès au financement, mais leur manque de compétitivité.
Une enquête réalisée dans le cadre du programme « Trade and Competitiveness Programme » (TCP) révèle que beaucoup d’entreprises tunisiennes ne sont pas préparées aux normes environnementales européennes, telles que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
Pour y remédier, la BEI prévoit :
- Une ligne de crédit de 170 M€ déployée via des banques locales ;
- Une ligne de garantie de 8 M€ (BH Bank et UBCI) pour couvrir les risques ;
- Un appui technique ciblé dans trois secteurs clés : agriculture, textile, automobile.
Le message est clair : à la Tunisie de déclencher le financement
La BEI ne cache pas sa volonté de faire plus. Mais sans validation politique, les projets resteront en attente. Et au-delà des financements, c’est le climat général des affaires qui freine encore la transformation.
« Le parcours du chef d’entreprise tunisien est encore trop compliqué. Alléger les contraintes administratives, fiscales et logistiques devient essentiel.