De nouveau, nous nous trouvons acculés à traiter de ce problème – oh combien ardu ! – consistant en l’absence de papier sur le marché mondial. Et cela, pour la confection des livres et des cahiers scolaires.
Cela est devenu un véritable calvaire donnant des insomnies à plus d’un dans notre pays, particulièrement les responsables du ministère de l’Education, ainsi que ceux du Centre national pédagogique (le CNP). Et à nos imprimeurs aussi auxquels revient la charge de s’acquitter à temps de cette très lourde tâche, à un moment où le papier nécessaire est devenu une denrée quasi introuvable…
A noter que chaque année, la confection de nos manuels scolaires – soit 13 millions et demi au total – demande pas moins de cinq mille tonnes de papier importé.
Habituellement, et durant les années précédentes, cette matière indispensable, voire névralgique à souhait, est partiellement achetée auprès de notre papèterie de Kasserine, spécialisée dans sa fabrication. Celle-ci, la SNCPA, utilisait comme matière première notre alfa, en abondance dans la région du Centre-Ouest.
Et grâce à l’apport de notre main-d’œuvre, particulièrement celle des femmes pour l’arrachage de cette plante, quoique vendue à vil prix à l’usine de Kasserine, c’était, quand même, une vraie aubaine pour les gens de cette région, généralement désœuvrés, comme c’est le cas actuellement.
Du reste, à un moment donné, la SNCPA fournissait du papier, hautement considéré pour les éditions d’ouvrages de luxe, aussi bien à la Grande-Bretagne qu’à la France. Toutefois, l’usine de la SNCPA, l’unique chez nous dans ce domaine, est, dans l’état actuel des choses, plus ou moins hors d’usage. Et cela depuis quelque quatre ou cinq ans.
Elle ne cesse de connaître, en effet, de graves et multiples défaillances, autant d’ordre technique qu’en raison de l’absence de pièces de rechange adéquates. Ajouter à cela des grèves à répétition insensées pour des réclamations salariales, parfois abusives.
La réparation de son matériel colossal, naguère performant à souhait, nécessite, parait-il, près d’une vingtaine de millions de DT. Dans un passé récent, la SNCPA fonctionnait normalement et à un régime plus ou moins satisfaisant comme naguère – aux premiers temps de sa création – et on aurait certainement pu alors obtenir notre autosuffisance en papier. Ce qui nous aurait permis d’éviter, un tant soit peu, les affres de cette pénurie asphyxiante.
Dès lors, le recours à l’importation annuelle de 13 mille 700 tonnes de papier est devenu inévitable. Et cela, uniquement pour les manuels scolaires. Or, dans l’état actuel des choses, le papier connaît une augmentation vertigineuse de son prix, du simple au double, voire au triple. De 1800 DT la tonne, celle-ci est passée à 3500 DT. De plus, cette matière est quasi introuvable…
Et cela, en raison, entre autres, de la malédiction qu’est la Covid-19 qui s’est abattue sur le monde entier depuis près de deux ans. Et à laquelle il faut ajouter d’autres aléas perturbateurs.
On se demande alors pourquoi on n’a guère tenu à réparer à temps le matériel de la SNCPA ? Car, réinvestir dans ces réparations, quoique conséquentes, pour nos autorités financières, aurait eu plus d’un grand mérite, dont le moindre est de fournir de l’activité à la population de la région de Kasserine. Et surtout, de ne jamais se trouver à la merci de l’étranger pour notre approvisionnement en papier…
Ce n’est pas tout ! Il faut aussi y ajouter la confection des cahiers scolaires subventionnés, eux aussi, par les pouvoirs publics. Il s’agit de 40 millions d’unités pour chaque saison, nécessitant six mille tonnes de matières premières.
Et entre livres et cahiers scolaires, cela demande au total une vingtaine de milliers de tonnes de papier. Soit, au prix actuel, la somme de 63 millions de DT, à laquelle il faut ajouter le prix de la confection des livres, (ce fut 24 millions de DT en 2021), par notre dizaine d’imprimeurs qualifiés dans ce domaine. Et cela sans compter le prix de la confection des cahiers.
C’est vraiment énorme ! Mais toujours inévitable…
Si notre papèterie de Kasserine était fonctionnelle, à l’instar de celle du Maroc, par exemple, on n’aurait jamais craint, comme aujourd’hui, de subir les affres de cette grave précarité annonciatrice de l’absence des fournitures scolaires indispensables pour nos centaines de milliers d’élèves et de lycéens. Et avec une SNCPA tournant même au ralenti, ça nous aurait quand même permis de sauver la face.
Quant au royaume chérifien, par exemple, il est à l’abri de ces aléas du moment. Le pays se portant économiquement, financièrement et socialement d’autant plus mieux que la plupart des autres Etats maghrébins.
Pour preuve, le Dirham n’est-il pas convertible dans le monde entier ? Doit-on rappeler qu’en plus de ses propres usines de papier, l’Etat chérifien a, de surcroit, recours régulièrement à l’importation aussi… Or, les capitales du Maghreb ne sont pas toutes à l’abri, comme Rabat, des problèmes relatifs aux différents types de papier.
A titre d’exemple, il y a le cas navrant de la Libye qui a vu, au cours de l’an passé, son ministre de l’Enseignement emprisonné par le Premier ministre, Abdelahamid Debaybah, pour manque flagrant de manuels scolaires indispensables.
D’ailleurs, toutes les paperasses d’imprimés, y compris les cartes de visite, les photos-copies, etc., viennent de voir leurs prix presque doubler à cause de la rareté, voire du manque de papier quelle qu’en soit la nature …
M’hamed BEN YOUSSEF
Tunis-Hebdo du 22/02/2022