Depuis quelque temps, des voix s’élèvent pour dire que la République et ses valeurs sont vraiment menacées en Tunisie, mais personne n’y prête attention. Les faits sont pourtant là, leur degré de dangerosité varie, mais ils sont bien réels. Le système Ben Ali nous a tellement matraqués de sa fameuse hyperbole de « l’Etat de droit et des institutions » que la plupart d’entre nous ne savent plus exactement ce que le mot institution veut dire ! !
De toutes les institutions qui souffrent beaucoup ces derniers jours, c’est celle de la République qui détient le record.
Pour ne citer que les événements les plus récents, il y a eu l’affaire du drapeau et dont l’auteur court toujours, la mascarade qui s’est jouée au palais présidentiel et durant laquelle des administrateurs de pages Facebook postrévolutionnaires ont semé la zizanie, l’appel, sur les ondes de la chaîne publique Radio Zitouna au rassemblement des islamistes de tout bord qui veulent appliquer la charia et j’en passe…
Mais, le plus grave de tout reste sans conteste ce qui s’est passé, hier soir, sur la chaîne de télévision Ettounsiyya, qui avait invité, entre autres, le porte-parole du parti Ettahrir et un jeune homme de la mouvance « Salafiste Jihadiste ». Ces deux représentants de l’extrême-droite ont purement et simplement « bafoué » la République ! !
M. Belhadj d’Ettahrir a indiqué que son parti n’avait que faire d’un visa qui le légaliserait, et qu’il comptait continuer ses activités sans attendre d’être un parti légal ! Il s’est même vanté d’avoir organisé, dernièrement et en marge de la journée internationale de la femme, un meeting auquel ont assisté plus de 1500 femmes venues du monde entier, sans aucune autorisation. Ce meeting s’est, par ailleurs, déroulé dans un hôtel de luxe de la banlieue nord de Tunis, et personne ne s’est posé la question sur les sources de son financement. Rappelons que le parti Ettahrir appelle à l’instauration du Califat, que les élections et tout le processus démocratique ne le concerne en rien et que si jamais il est au pouvoir, il abolirait tous les partis non islamistes.
Quant au jeune Salafiste, Hassen Ben Brick, il a dit, haut et fort et sans ambiguïté aucune, que son mouvement combattait les États-Unis d’Amérique, qu’il refusait la démocratie, que le recours à la violence était légal pour arriver aux fins et que tout dialogue ne se fera que sur des bases religieuses. Dans une ambiance pas du tout tendue, notre homme a minimisé la violence, notamment celle subie par Zied Krichene, en disant que ce n’était qu’un « coup de tête » qui ne l’avait même pas atteint, et qu’on n’avait qu’à « fermer » la télé « pour ne pas avoir peur des salafistes » !!
Du prosélytisme politico-religieux qui fait froid dans le dos, surtout quand on sait que ces groupes opèrent dans les quartiers les plus défavorisés, où le taux de chômage est élevé, et recrutent essentiellement parmi les jeunes ! !
Sous d’autres cieux, des pareils propos auraient valu à leurs auteurs une attaque en justice en bonne et due forme pour atteinte aux valeurs de la République, chez nous, on leur accorde un temps de parole important, on appelle à dialoguer avec eux et ils sont même applaudis à la fin de l’émission ! !