Ce n’est pas la première fois depuis la révolution que les Magistrats reçoivent des menaces de liquidation physique. Cela s’est déjà produit pour certains d’entre eux de la région de Sfax. Cette fois, c’est la valeureuse présidente de l’Association des Magistrats Tunisiens, Kalthoum Kannou, démocrate dans l’âme et considérée comme une opposante, qui avait connu mille souffrances sous le règne de Ben Ali, qui vient de recevoir, à son tour, une lettre la menaçant de mort. Pire, on lui a clairement dit que l’on «avait décidé de la décapiter» si elle ne renonçait pas à présider la magistrature, si elle ne «désarmait» pas !
Kalthoum Kannou décrit à Webdo la manière dont elle a reçu la lettre en question disant qu’elle avait trouvé sur son bureau une lettre, un fait, a priori anodin dans la mesure où elle avait l’habitude d’en recevoir assez régulièrement y compris de la part de ses collègues. Puis s’exprimant sur le contenu de cette lettre qu’elle qualifie d’étrange, elle souligne «au début de la lettre on peut y lire des versets coraniques puis des mots agressifs qui constituent des menaces directes contre ma personne et m’intimant «l’ordre de me détacher de la magistrature» me promettant de couper ma tête, de me décapiter ! Ensuite, le discours verse carrément dans l’obscénité !»
Cette lettre de menace de mort signée «Ansar Chariaâ wa khoulafaihom» est une technique devenue ces derniers temps à la mode. En effet, les magistrats, les hommes politiques appartenant à l’opposition, les journalistes ou les intellectuels sont devenus la cible de ces illuminés qui essaient de terroriser les citoyens qui leur semblent menacer, d’une manière ou d’une autre, les gouvernants actuels.
Outre le terrorisme matériel et désormais armé de groupes extrémistes, de ceux que l’on appelle les djihadistes, certains groupes essaient d’instaurer un sentiment de peur et de crainte parmi les personnalités influentes et connues pour leurs idées progressistes et modernistes afin de les amener au silence ou à demeurer de simples spectateurs face aux détenteurs actuels du pouvoir. Car curieusement, seuls les opposants, ou ceux qui leur sont assimilés, reçoivent des menaces de liquidation physique.
A la suite de la réception de cette lettre, un agent de police appartenant à la brigade criminelle s’est rendu au bureau de Kalthoum Kannou pour prendre la lettre en question afin de commencer l’enquête qui devrait aller jusqu’au fond des choses pour découvrir ces criminels qui se cachent derrière ces menaces.
Par ailleurs, l’Association des Magistrats Tunisiens a publié un communiqué dans lequel elle stigmatise et condamne ces menaces à l’encontre des membres de l’AMT qui militent pour l’indépendance de la magistrature et sa réforme, elle prévient de la gravité de ces faits dans leur relation avec l’exercice par les magistrats de leur liberté de réunion et d’expression pour la défense de l’indépendance de la magistrature et des droits et libertés, et elle exige des ministres de la justice et de l’intérieur d’assurer la sécurité nécessaire à la présidente de l’AMT et à sa famille et d’ouvrir les enquêtes afin de déterminer rapidement ceux qui sont derrière ces menaces.
Elle fait assumer la responsabilité aux autorités afin qu’elles prennent toutes les dispositions pour éviter la répétition de ces graves dépassements qui touchent les militants et les responsables de l’AMT.
Des vœux qui risquent de demeurer pieux, toutes les enquêtes diligentées jusque-là, et par la faute d’une volonté politique réelle, ayant lamentablement «échouées !»