Comme la plupart des blogueurs (et autres utilisateurs de Facebook), j’ai Ă©tĂ© invitĂ©e au palais de Carthage pour assister Ă la commĂ©moration du dĂ©cès de feu Zouhair Yahyaoui, cyberactiviste tunisien, blogueur et fondateur de Tunizine, dĂ©cĂ©dĂ© suite Ă une crise cardiaque quelques jours après sa sortie de prison, en 2005.
Sans trop faire dans la dĂ©magogie et sans nulle intention d’influencer mes « collègues » qui y vont, je vais expliquer en quelques mots les raisons pour lesquelles j’ai dĂ©clinĂ©, comme beaucoup d’autres blogueurs, cette invitation.
Zouhair Yahyaoui a donnĂ© sa vie pour que moi, je puisse naviguer sur le net et m’exprimer sur la toile en toute libertĂ©, lui consacrer une journĂ©e n’est que justice rendue !! Mais la façon dont cet Ă©vĂ©nement a Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ© par la prĂ©sidence de la RĂ©publique m’écĹ“ure !!
Un Ă©vĂ©nement de cette envergure et de cette symbolique ne devait absolument pas faire l’objet d’une exploitation partisane. La libertĂ© de l’internet est une cause nationale, elle doit par ailleurs ĂŞtre inscrite dans la constitution!! Il aurait Ă©tĂ© plus judicieux de fĂŞter Zouhair Yahyaoui par des initiatives plus larges, en vulgarisant l’accès Ă internet par exemple, en parlant de son combat dans les Ă©coles, en donnant son nom Ă une rue, en crĂ©ant un centre de recherche sur l’internet tunisien et sur l’histoire du blogging en Tunisie ou encore en actant pour que plus jamais la Tunisie ne puisse figurer sur la liste noire des pays oĂą internet est encore surveillĂ© (voir rapport SFR)
De plus, cette impression que j’ai eue (je me trompe peut-ĂŞtre) que Mr Moncef Marzouki a voulu par cette initiative faire d’une pierre deux coups : redorer son blason et soigner son image très lĂ©sĂ©e sur la toile, et faire taire les dernières voix libres susceptibles de critiquer sa politique qui bat de l’aile. Parce qu’on n’est pas sans savoir que beaucoup de blogueurs, et notamment les plus influents et les plus anciens sur la blogosphère tunisienne ont repris le chemin du blogging et redonnĂ© vie Ă leurs blogs abandonnĂ©s depuis pas mal de temps, et ne mĂ©nagent aucun effort Ă critiquer, des fois dans les termes les plus crus, les dĂ©rapages de la TroĂŻka au pouvoir !!
Quand on veut rester dans cette dynamique de regard critique, la moindre des choses c’est d’ĂŞtre cohĂ©rent et en accord avec soi mĂŞme avant tout !! On ne va pas serrer la main Ă un prĂ©sident qu’on va attaquer le lendemain !!
D’autre part, Mr Marzouki, pour qui la libertĂ© d’expression est soudain devenue son cheval de bataille (ou de Troie), n’a pas toujours eu la mĂŞme attitude. Dans les trois grandes affaires de libertĂ© d’expression qui ont secouĂ© l’opinion publique tunisienne, Ă savoir l’affaire Nessma, l’affaire de la plainte dĂ©posĂ©e contre l’ATI et l’affaire Ettounisiyya, Mr Marzouki n’a pas Ă©tĂ© très Ă©loquent pour ne pas dire autre chose !! La LibertĂ© d’expression est indivisible, on la dĂ©fend ou on ne la dĂ©fend pas !!
Ajouter Ă cela la conviction intime que les blogueurs qui sont invitĂ©s n’y vont que pour faire de la figuration et qu’un temps de parole très limitĂ© leur sera accordĂ©, je prĂ©fère dĂ©cliner cette invitation et me rĂ©server le droit de critiquer qui je veux quand je veux !!
Et il va sans dire qu’ĂŞtre aux cĂ´tĂ©s d’administrateurs de pages Facebook invitĂ©s eux aussi, et qui, le moins qu’on puisse dire, ne sont pas du tout dĂ©mocrates, incitent Ă la haine, font dans l’insulte et la diffamation, divisent les Tunisiens ne me rĂ©jouit pas particulièrement
Pour des milliers de Tunisiens, Mr Marzouki n’a pas Ă©tĂ© fidèle Ă ses principes et ses convictions. Certains vont jusqu’Ă penser qu’il a trahi son Ă©lectorat, et ce n’est pas en s’entourant de blogueurs et d’internautes qu’il va soigner cette image (J’en exclus toutefois la famille Yahyaoui, car c’est leur droit et devoir d’y ĂŞtre ) !!
Pour ma part, je préfère rester fidèle à mes convictions et égale à moi même, que de goûter au plaisir, éphémère de me prendre en photo au palais de Carthage en compagnie du président provisoire de la République !!
