L’évolution du régime tunisien depuis les dernières élections présidentielles et législatives a abouti à des dysfonctionnements à tous les niveaux notamment dans le fonctionnement des institutions constitutionnelles.
Au départ, les « brillants » constituants dont nous a affublée l’Histoire nous avaient concocté un régime politique bâtard au vu des théories constitutionnelles et des régimes politiques que les hommes ont imaginé pour la gestion de leurs affaires publiques. Pourquoi bâtard ?
Car, les tendances qui y étaient à l’époque se sont entre déchirées, les uns (les Islamistes) optaient pour le régime parlementaire avançant l’idée de la « crainte » d’un éventuel retour à l’ancien régime ; alors que les autres (les courants démocratiques) essayèrent d’arracher des miettes pour éviter le piège du parlementarisme en souhaitant accorder plus de pouvoirs au Président de la République. Cela a abouti au résultat suivant : nous ne sommes ni dans un régime parlementaire, ni dans un régime présidentiel, bref il s’agit d’un régime innommé et inconnu des constitutionnalistes. On nous dira que c’est encore l’œuvre du « génie » tunisien !!!
Et bien, ce régime a déjà montré ses limites et les critiques ont commencé à fuser depuis plusieurs mois, des voix appelant déjà à une révision de la Constitution dans la perspective de modifier la nature du régime politique en lui injectant une nouvelle dose de « présidentiel » !
Aujourd’hui, et en observant le fonctionnement du régime tunisien, nous constatons qu’il évolue vers un régime présidentiel voire même vers le régime « présidentialiste » dans la mesure où le Chef de l’Etat a repris, sur le plan pratique, la totale maîtrise du pouvoir exécutif. En effet, et si l’on part de la désignation des deux chefs de gouvernement qui se sont succédé jusque-là, Habib Essid et maintenant Youssef Chahed, on peut remarquer qu’ils ont pratiquement été choisis de manière discrétionnaire par le Chef de l’Etat.
Là, n’est pas le problème dans la mesure où la Constitution lui attribue cette compétence, mais cela devient problématique à partir du moment où politiquement, ils dépendent de lui et exclusivement de lui, et que leur maintien ou leur départ, ne dépend en réalité que de sa volonté même s’il est « obligé » aujourd’hui de solliciter l’avis de son principal allié, Ennahdha.
En fait, la nomination de Youssef Chahed entre dans ce cadre du renforcement des pouvoirs du Président de la république. Ce dernier est une « création » de Béji Caid Essebsi, et il sait pertinemment que sa « vie » politique dépendra étroitement de la bonne volonté de son mentor. C’est pour cela, qu’il ne saurait échapper aux influences du palais et devrait même subir ses « directives ». Du coup, la réalité du pouvoir exécutif s’est déplacée de la Kasbah pour revenir à Carthage…